AD PERPETUAM REI MEMORIAM

 

SECRETERIA DI STATO
DI SUA SANTITA

 

       Dal Vaticano, 3 janvier 1911

 

       Monsieur le Vicaire Général,

 

       Le Saint-Père vous remercie très vivement pour l'hommage que vous lui avez fait de votre Petite-Sœur.

       Vous ne pouviez douter qu'une fleur si suave et si pure ne plût au cœur de notre bien-aimé Pontife ; présentée par vous, elle ne pouvait que charmer davantage ce Père qui vous rend bien en affection ce que vous éprouvez à son égard.

       Je vous remercie, pour ma part, de l'exemplaire que vous m'avez offert et des sentiments si délicats que vous m'avez exprimés dans votre bonne lettre.

       S'il est doux d'être aimé, il n'est guère moins précieux d'être compris et de rencontrer un cœur qui ressente vos émotions et les partage.

       Veuillez agréer, Monsieur le Vicaire général, l'assurance de mes sentiments très dévoués en Notre-Seigneur.

 

        R. cardinal MERRY DEL VAL.

 



Préface de la Première édition

Les morts n'ont pas besoin qu'on les loue, et, dans ces pages toutes pleines de son souvenir, on a moins songé à faire l'éloge de Sœur Lucie[1] qu'à mettre en relief, sous ses traits, pour le profit des autres, le type idéal d'une Petite-Sœur de l'Assomption.

Il y a, en effet, dans ces vies plus parfaites, miniatures de sainteté, un enseignement qui nous est utile. Et plus ces existences ont été mêlées à la nôtre, plus aussi la leçon est douce, pénétrante, profitable.

La mort de Sœur Lucie a laissé à tous une impression ineffable de sérénité, comme si la main de Dieu avait paru visiblement dans ce deuil si soudain et si imprévu.

Et c'est cela qui n'est pas ordinaire; c'est cela qui révéla, tout à coup, à quel point l'âme de cette enfant, la plus simple, la plus droite, la plus humble de toutes, avait rayonné autour d'elle.

On l'a pleurée dans son couvent, où elle n'a fait que passer, comme on ne pleure pas une novice; et, sitôt qu'elle a disparu, on s'est aperçu qu'elle tenait déjà, dans sa Congrégation, une place que ne comportait pas sa situation.

Car, enfin, c'est si minime une novice dans un couvent ! Petite chose timide et discrète, qui n'a pas de nom, qui ne fait pas de bruit, qui ne tient pas de place, qui s'efface elle-même et qu'on humilie encore; qui n'ose rien et que tout déconcerte; qui dit oui, qui dit non, mais qui n'a pas de vouloir !

Et, plus elle est parfaite, la petite novice, plus elle cherche l'ombre et le silence ; plus elle ignore aussi, quand elle les possède, les dons que les circonstances, plus tard, mettront en valeur !

C'est bien ainsi qu'était Sœur Lucie, simple, modeste, perdue dans le rang, prête aux moindres rôles.

Et voilà qu'au lieu de disparaître, comme d'ordinaire une petite novice disparaît, sa mort plonge dans un deuil profond toute sa communauté : c'est un malheur, une épreuve dont on ne se console pas, et l'oubli, ce second linceul des morts, ne parvient pas à ensevelir sa mémoire.

Ses supérieures fondaient sur elle les plus elles espérances.

« Nous avions tant compté sur cette enfant ! écrit la maîtresse des novices. Vingt fois j'ai offert ma vie pour sauver la sienne, tant j'avais conscience du trésor que Dieu nous avait donné ! »

L'édification s'accrut encore lorsque les novices eurent mis en commun leurs souvenirs personnels, apportant l'une après l'autre une note nouvelle à l'éloge de Sœur Lucie. Et il 'devint évident vue, de ce faisceau de témoignages, une lumière très vive et très douce se dégageait. Car, ce n'est pas dans les actions d’éclat, toujours rares, que se révèle le mieux la vertu ; c'est tous les jours et dans les menus faits, un regard, un mot, un geste. Chacun de ces petits riens, dont se compose une vie ne pèse pas lourd et reste peu de chose, mais c'est l'ensemble qui prend de l'ampleur, qui fait figure et qui devient admirable.

Alors, on a pensé qu'au feu qui dévorait cette âme d'autres âmes pourraient s'embraser.

Ce petit livre aurait l'ambition de propager cet incendie.

Qu'on n'y cherche point l'ordonnance méthodique ni la documentation rigoureuse d'une biographie, mais seulement l'histoire très sobre d'une vocation, dans sa genèse lointaine, dans ses éléments complexes, avec ce travail intime de la grâce, toujours délicat, souvent poignant, qui prend une âme en pleine ardeur de jeunesse et la hausse, graduellement ou par bonds, jusqu'à ces sommets où les larmes du sacrifice se perdent dans le sourire de l'oblation.

On ne s'attardera guère, au cours de ce récit, à ces incursions minutieuses dans la vie de famille, qui sont l'intérêt des Mémoires et qui seraient ici déplacées. On ne soulèvera ce voile qu'en passant, et, d'une main très discrète. On poussera cette réserve jusqu'au parti pris. Mais on s'attachera surtout à faire comprendre, à faire sentir ce qu'est une âme d'apôtre, ce qu'elle coûte et ce qu'elle vaut !

M. L.[2]


[1] Mademoiselle Lucie Dieres-Montplaisir, en religion, Sœur Marie Lucie, des Petites-Sœurs de l'Assomption gardes-malades des pauvres à domicile.

[2] Maurice Landrieux, vicaire-général de Notre-Dame de Reims, devenu évêque de Dijon.

 

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