AD PERPETUAM REI MEMORIAM

EXTRAITS

 

Chanoines

du Chapitre de Notre-Dame [1]

      Jean Amariton du Bost, dit Amariton le Jeune, né à Saint-Blaise de Laps (Puy-de-Dôme) le 1er novembre 1739, était chanoine depuis le 30 avril 1765. Il demeurait rue des Fusiliers. Il a consenti à faire le serment de liberté le 18 août 1792 ; celui de fructidor, le 29 nivôse an VII ; le serment de fidélité à la Constitution de l'an VIII, le 9 pluviôse. Il avait 1.000 livres de pension. Depuis la Terreur il avait renoncé à tout exercice du culte. Il est mort à Reims le 21 décembre 1806.

 

      Clément Joseph Andrieux, né à Reims, sur la paroisse de Saint-Jacques, le 26 juillet 1763, n'était que diacre lorsque Christophe Élisabeth Favart d'Herbigny résigna en sa laveur son canonicat de Notre-Dame, le 26 août 1788, moyennant une pension viagère de 700 livres, Andrieux reçut la prêtrise le 6 juin 1789. Il a fait à Reims le serment de liberté le 18 août 1792 et s'est ensuite fixé à Paris : « A quitté le ministère en 1792. » En 1817, comme ancien bénéficier, il avait 267 francs de pension [2].

 

      Pierre Marie d'Arfeuil, surnommé Mourin, était né vers 1750, à Felletin, diocèse de Limoges. Chanoine depuis le 15 octobre 1764 et receveur du Chapitre en 1790, il était de plus bénéficier à Saint-Pierre de Beiffat, diocèse de Limoges ; à Billy, diocèse de Clermont et à Lupersac. Il sacrifia tous ces avantages pour échapper aux serments. Il avait émigré ; mais rentré en France en 1794, il fut arrêté dans le Doubs et condamné à être déporté à Rochefort. 0n l'embarqua sur le navire Les Deux Associés. Il y mourut le 8 août 1794 et fut enterré à l'île d'Aix, laissant le renom d'un homme de rare mérite [3].

 

      Laurent Benjamin Arnoult, originaire du diocèse de Meaux, avait succédé dans le Chapitre, le 20 août 1778, à Charles Octavien du Bouzet qui devenait vicaire général, titre dont lui-même fut honoré le 21 novembre 1778. En dehors de son litre de licencié ès-droit civil et canonique, nous n'avons trouvé à son sujet aucune mention.

 

      Thibault Baulny est né à Buzancy le 15 juin 1712 et fut ordonné en 1766. Vicaire de Saint-Jacques de 1767 à 1772 ; chanoine et curé de Saint-Timothée, il fut appelé à remplacer dans le Chapitre de Notre-Dame, le 10 février 1777, Pierre Guillaume Jules Sauvé qui donnait sa démission [4]. À la Révolution, Baulny était archidiacre de Champagne et demeurait rue du Corbeau. Il est inscrit parmi les assermentés. En 1803, Thibault Baulny a été créé chanoine titulaire de Meaux ; il était doyen du Chapitre de Meaux en 1820 ; membre du Chapitre de Reims reconstitué en décembre 1821 par Mgr de Coucy ; il en fut le doyen. Il eut aussi le titre de vicaire général du diocèse. Pension, 333 francs. Décédé à Reims, impasse du Bourg-Saint-Denis, le 13 mars 1823 [5].

 

      Simon Toussaint Bauny, né à Rethel le 29 janvier 1741, secrétaire de l'Archevêché depuis le 2 février 1784, succéda dans le chapitre à défunt Rémi Louis Petit, le 5 avril 1786. Avec son double titre de secrétaire général et de chanoine, il déclara que, comme chapelain de Mesdames à Louvois, il était encore depuis 1786 bénéficier d'un prieuré de Sainte-Radegonde des Noyés ou des Marais au diocèse de La Rochelle et d'une chapelle de Saint-Ponce à Évigny. Le 23 mars 1791, il avait quitté sa maison de la rue Saint-Étienne de Reims pour habiter à Nantes et à Vannes chez l'un de ses frères, directeur des domaines. Rentré à Reims, le 2 août 1793, il avait fait serment civique et s'était réfugié, rue Saint-Yon, 1, chez le citoyen Joly-Pilloy. Mais « ce prêtre, quittant une ville menacée par les rebelles, semble du calibre des traîtres et est plus que suspect » aux yeux de Lefrançois, commissaire de surveillance de la section [6].

      Simon Toussaint Bauny est allé mourir à Châlons-sur-Marne, le 8 janvier 1803.

 

      Henri Claude Benoit était né à Reims, en la paroisse de Saint-Hilaire, le 26 août 1732, et avait été admis dans le Chapitre, le 30 avril 1755. Il était encore prieur de Saint-Martin de Bazoches-en-Dunois au diocèse de Chartres et titulaire d'une chapelle de Notre-Dame de Provins [7].

      Le 25 mai 1791, il quitta sa maison de la rue des Groseillers pour prendre le chemin de l'exil. Comme la jouissance viagère de cette maison lui avait été concédée, le Conseil général de Reims décida, le 21 mai 1793, que, la dite maison ayant été vendue à Nicolas Barbier, tondeur de draps, le droit de jouissance du chanoine Benoît n'existait plus et que comme insermenté il était sujet. à la déportation ou au moins à la réclusion. C'est que Benoît était rentré à Reims et put justifier de son séjour en demandant au 26 brumaire au VII à être rayé de la liste des émigrés. Sa pension fut réglée à 1.000 francs après le 3 prairial an X. En 1806, il était chanoine honoraire de Meaux résidant à Reims. Il est mort à 87 ans et demi, rue de la Couture, le 16 février 1820.

 

      Nicolas Bergeat était né à Reims le 11 février 1733. Chanoine à quinze ans le 20 septembre 1748, il était le 15 janvier 1758 Vidame du Chapitre. Des épigrammes, des traductions de poésies libres et, dit-on, les mœurs faciles de son époque montrent en lui un esprit léger et caustique, fort éloigné de l’austérité ecclésiastique. On le voit chargé souvent avec le chanoine Deloche de trouver des emblèmes pour les fêtes publiques. Bergeat prêta le serment de 1792 le 18 août. Il s’abstint de tout exercice des fonctions sacerdotales depuis 1790. Reims, qui l’avait nommé conservateur de son musé, lui doit de la reconnaissance pour avoir sauvegardé les précieuses épaves du mobilier de Notre-Dame. Bergeat est mort à Reims le 12 novembre 1815 [8].

 

      Louis Barthélemi Bida était né à Charleville ; son ordination remontait à 1760 ; sa nomination de chanoine de Notre-Dame au 10 octobre 17655. Il était docteur de l'Université de Reims en 1764 ; proviseur du collège au décès de Jean-Baptiste Ninnin en 1776 ; trésorier du Chapitre de Notre-Dame après son oncle Jean Jacquemart, le 17 décembre 1778 ; supérieur des Carmélites de Reims et enfin député du clergé à l'assemblée du département de Reims. Bien que l'abbé Bida eût refusé le serinent constitutionnel, le district de Reims l'avait pourtant agréé, le 6 mai 1792, comme chapelain des Dames religieuses de Saint-Étienne. Les massacres de septembre lui firent prendre, le 9 septembre 1792, un passeport de déportation pour Liège (n° 6386). Il ne reparut à Reims que vers le Concordat. En 1806, il y était chanoine honoraire de Meaux. La mort l'a frappé le 15 décembre 1817, à Reims où il habitait alors la rue des Carmélites.

 

      Jean-Baptiste Blavier, né à Reims, sur la paroisse de Saint-Hilaire, le 13 novembre 1756, devint prêtre en 1780. Si l'on s’en rapporte aux affligeantes relations insérées dans les archives municipales de Reims, ce fut sa famille qui l'engagea dans une voie où il n'était pas appelé :

      « Blavier fut prêtre. Ce ne fut point le fanatisme qui lui fit adopter cette profession. Il devint bossu d'une manière fort prononcée : ce défaut de conformation lui fit croire qu'il n'était point fait pour le mariage; ses parents le déterminèrent à se faire prêtre. Quelque temps après il fut nommé chanoine… »

      Blavier avait d'abord été introduit dans le Chapitre de Saint-Symphorien ; le 4 octobre 1784, il a succédé comme chanoine de Notre-Dame à Jean-Joseph Amariton du Bost, démissionnaire. Il résidait dans la rue de l'Écossois.

      Blavier était remarquablement doué pour diriger ou pour contrôler une administration financière importante et délicate :

      « Actif et laborieux par caractère, intelligent par nature, l'administration des biens du Chapitre lui était aussi nécessaire qu'elle était bien placée entre ses mains... Ce fut Blavier qui rédigea et remit pour le 1er janvier 1790 la déclaration exacte de l'actif et du passif du ci-devant Chapitre... et la fidélité qu'il mit dans celte déclaration lui a valu l'estime et la confiance des corps administratifs... au point qu'il fut chargé pour la Nation de recevoir les arrérages dus par les fermiers, mission qu'il remplit avec l'exactitude et l'intelligence qui lui sont familières... »

      Pendant toute la durée de la crise économique et financière qui éprouva Reims durant la Révolution, Blavier fut un organisateur incomparable. En juin 1793 la Ville fit graver, par reconnaissance, la médaille d'or suivante : « Les habitants de Reims reconnaissants, à J.-B. Blavier leur concitoyen. — Caisse patriotique de Reims, 2 juillet 1791. »

      Il est à regretter que cet homme si intelligent ait été inscrit parmi les assermentés en 1790, puis au 16 août 1792, et surtout qu'il ait remis, le 22 brumaire an II, ses lettres de prêtrise sur le bureau de la Société populaire dont il faisait partie. À son décès du moins il avait regretté cette défection. Blavier avait une pension ecclésiastique de 267 francs en 1817. Il est mort le 1er juin 1819, et est inscrit comme contrôleur des contributions. Par disposition testamentaire, Blavier, désireux sans doute de réparer ainsi les fautes de sa vie, avait laissé aux Sœurs de l'Enfant-Jésus un legs de dix mille francs. Les héritiers soulevèrent des oppositions et obtinrent une transaction qui réduisit au tiers sa libéralité. Elle fut attribuée au bureau de bienfaisance, avec affectation du revenu à l'instruction primaire donnée en ville par les Religieuses du Saint Enfant-Jésus [9].

 

      Marie Nicolas François Bourgongne, de la vieille famille rémoise de ce nom, naquit en 1724 et prit place au Chapitre de Notre-Dame, le 17 septembre 1745. Bien qu'il ait été inscrit parmi ceux qui avaient prêté serment, des doutes furent soulevés à ce sujet dans l'enquête du 9 nivôse an VI. Par sa demande du 11 frimaire an IV pour exercer à Reims où il demeurait alors rue des Élus, 21, on voit qu'il demeurait auparavant à Paris, C'est à Reims qu'il a prêté le serment de fructidor, 29 fructidor an V. Lacatte l'a dépeint comme généreux pour les pauvres et pour Notre-Dame à laquelle il légua 10.000 livres, vertueux et homme de talent. Il mourut le 17 brumaire an XIII.

 

      Jean-Baptiste Bourlier est né le .1er février 1734 dans le diocèse de Dijon. Il était docteur de Sorbonne et professa la théologie à Rouen. Depuis 1775, il était abbé commendataire de Varennes, maison de Cisterciens au diocèse de Bourges, d'un revenu de 1.500 livres, et du prieuré de Saint-Jean de Colle au diocèse de Périgueux. Admis au Chapitre de Notre-Dame, le 3 mai 1773, en place de défunt François Camu, il y remplit la charge de grand-chantre comme successeur de Philippe René Leblanc. Au 1er novembre 1777, Bourlier était promu vicaire général diocésain ; c'est sans doute à ce titre qu'il séjournait à Paris avec Mgr de Talleyrand ; à Reims, il était domicilié rue des Groseillers. Il refusa de prêter serment et émigra. Il fut nommé évêque d'Évreux. Le 25 avril 1802, il reçut l'onction épiscopale et consacra ses soins à l'établissement des séminaires. Napoléon l'avait employé pour négocier avec le pape à Fontainebleau. Il reçut en 1844 le titre de Pair. Le 30 octobre 1821, il s'est éteint avec beaucoup de piété [10].

 

      Jean-Louis Carbon, né en 1720 et chanoine depuis le 19 février 1738, était par sa promotion le plus ancien des membres du Chapitre de Notre-Dame. Il avait été abbé commendataire du prieuré de Belval, au diocèse de Soissons, À en juger par l'importance de sa contribution patriotique qui fut fixée en 1789 à 2.280 livres, son état de fortune était considérable [11]. Il avait été inscrit sur la liste des assermentés, ayant fait le serment de liberté, le 23 août 1792. « Depuis 1790 il n’exerçait aucune fonction. » Il est mort à Reims le 26 nivôse an VI, à 78 ans [12].

 

      Jean Claude François de Châtillon était du diocèse de Châlons d’après les Archives du Chapitre ; incorporé au diocèse de Reims d’après le registre des ordinations. Il reçut la prêtrise à Reims en 1758, fut créé chanoine de Notre-Dame, le 21 janvier 1765, et habitait en 1789 la rue des Anglais. Il avait succombé la 9 février 1790 [13].

 

      Nicolas Louis Delacroix qui est né le 11 septembre 1742, dans le diocèse de Verdun, disent les Archives du Chapitre, était à Reims sur la paroisse de Saint-Pierre, si l’on s’en rapporte au registre des ordinations. Sa nomination au Chapitre remontait au 9 juillet 1765. Il résida successivement rue d’Artois en 1789 ; rue de la Vignette en 1793. Il avait fait le serment de liberté le 22 septembre 1792, et recevait 1.000 livres de pension. Sa déclaration pour exercer à Reims fut enregistrée le 8 vendémiaire an IV. L’enquête de l’an VI n’en parlait pas et disait que Delacroix avait quitté toutes fonctions avant l’an IV. Il mourut le 19 nivôse an VI [14].

 

      Martin Marie Rémi Deligny est né à Reims, paroisse de Saint-Timothée, le 29 septembre 1766. Il n'était que sous-diacre quand il fut appelé, le 26 août 1788, à prendre place au Chapitre de Notre-Dame comme successeur de Nicolas Léa. Il demeurait rue Saint-Étienne où, par les ordres du Conseil de Reims, une visite domiciliaire fut pratiquée chez lui en avril 1793, époque où il était en émigration pour échapper aux serments et aux massacres. On trouve son nom parmi les réfugiés de Maastricht en 1794 et sur les listes d'émigrés où il est surnommé Garnier.

      Entre le 1er août 1812 et le 1er octobre 1819, Deligny a desservi les paroisses d'Hourges et Unchair ; puis celle de Varreddes, au diocèse de Meaux, jusqu'à sa nomination de chanoine. Il est rentré au 1er décembre 1821 dans le Chapitre reconstitué de Notre-Dame où il fut grand chantre. Il est mort le 16 novembre 1824.

 

      Nicolas André DELOCHE est né à Novion-Porcien, le 13 octobre 1732. Il a été ordonné en 1757 et a professé les humanités pendant treize ans au collège des Bons-Enfants de Reims. Il fut reçu docteur en 1786. Sa promotion comme chanoine de Notre-Dame était du 28 juillet 1767. Avec sa prébende il jouissait des revenus d’une chapelle à Balham-sur-Aisne. Son domicile était place Saint-Pierre. Le 27 février 1790, à titre d’ancien sénéchal, il a déposé, avec ses collègues Migeot et d’Arfeuil, une déclaration des biens et revenus ainsi que des charges de l’église métropolitaine [15]. Le chanoine Deloche refusa le serment et émigra (passeport n° 6363). Au 29 floréal an X, il a fait le serment concordataire et s’est fixé à Reims. En 1806, il était chanoine honoraire de Meaux en résidence à Reims où il est mort le 17 novembre 1812, à 80 ans, rue de l’Ordre Ruelle.

 

      Jean Nicolas Dervin, né à Wasigny, le 29 mars 1747, prêtre le 21 décembre 1771, docteur en théologie en 1772, était professeur au collège des Bons-Enfants, quand il fut promu chanoine de Notre-Dame, le 20 juillet 1785, en place de Vivent-Clément Anceaux qui venait de mourir. Il avait refusé le serment et il continua de demeurer à Reims, rue de l'École de Médecine, jusqu'au 7 septembre 1792. Il prit alors un passeport (n° 6191) pour Liège et se trouvait à Maastricht en 1793. Au 7 messidor an II, le Conseil de Reims faisait vendre au profit de la Ville « dies fagots appartenant à l'émigré Dervin ». Il reparut à Reims, le 29 floréal an X, où il a fait le serment concordataire. Il est inscrit comme desservant provisoire de Saint-Thierry. De janvier à octobre 1811, il a desservi Villers-Allerand. Il a quitté le département de la Marne en 1811. En 1817, sa pension de 267 francs lui était servie à Reims. En 1820, le Gouvernement lui attribuait un secours annuel de 250 francs. Dervin a fait partie du nouveau Chapitre reconstitué en décembre 1821. Il est mort à Reims, le 26 décembre 1823, dans une maison du Parvis Notre-Dame.

 

      Charles François Desjardin, originaire du diocèse de Reims, était du Chapitre de Saint-Symphorien quand il fut promu chanoine de Notre-Dame le 23 octobre 1777, en vertu d’une permutation avec son parent Joseph Desjardin, chanoine depuis juillet 1760. Dans la liste des dons patriotiques de 1789 il avait souscrit 1.000 livres. Il habitait rue Saint-Symphorien. Après la dispersion du Chapitre, son nom n’a plus été rencontré.

 

      Louis Léon Philippe Mathieu Dubourget, de la ville et du diocèse ce Grenoble, était né le 15 août 1763. Il fut nommé chanoine de Notre-Dame, le 2 avril 1784, en place de François Louis Casimir de Lageard qui avait donné sa démission. En 1789, Dubourget demeurait rue de la Poissonnerie. Sous prétexte d’un voyage dans la Brie il avait quitté Reims, le 4 août 1791. Il fut dénoncé, le 14 pluviôse an II, par les comités de surveillance des sections du Contrat social et de Le Pelletier « comme prêtre émigré que l’on dit être revenu dans cette commune (de Reims) paraissant sous divers travestissements pour se soustraire à la Loi ». Quand l’apaisement fut moins précaire, le citoyen Dubourget ouvrit, rue du Corbeau, 4, une Académie des sciences et des arts. Au mois de prairial an VI, il procédait à une distribution de prix à ses élèves dans une des salles du ci-devant Archevêché, vis-à-vis le perron. Avant de faire jouer la tragédie biblique d’Absalon, Dubourget rappela « que le but de son institution était de donner aux passions naissantes le frein de la morale dont la base solide est la Religion ». Signalée comme un foyer de fanatisme et de royalisme, la pension Dubourget fut fermée par un arrêté départemental du 29 messidor an VI [16].

      Le 4 messidor an XI, Dubourget fut nommé chapelain de l’Hôtel-Dieu de Reims. Il est mort le 23 mars 1807 et est aussi qualifié au nécrologe de vicaire général d’Embrun.

 

      Laurent André Dubout a laissé peu de souvenirs. Né dans le diocèse de Beauvais, chanoine le 6 août 1782 après démission de Pierre Le Page, il fut ordonné prêtre à Reims, le 21 mai 1785. Il était titulaire d'une chapelle de Saint-André située sur la paroisse Saint-Eustache de Paris. Il a fait le serment de liberté le 18 août 1792 date où sa trace a été perdue.

 

      Louis Mathias Duhoux est né dans le diocèse de Reims vers 1743, et fut ordonné le 4 avril 1767 ; il avait obtenu à Paris sa licence en théologie. À Noël 1768, il était employé comme vicaire à Dun, puis à Saint-Jacques de Reims. Le 3 août 1771 il succédait à Roch Prévost dans la cure de Rocroi. Enfin, le 9 avril 1788, il occupait la prébende de défunt François Motté, chanoine de Notre-Dame. Il était encore chapelain de la cathédrale de Langres. Cependant, sa situation n’était point brillante ; car, en 1789 il déclare « ne jouir encore d’aucuns revenus et s’impose un don patriotique de 30 livres ». Duhoux partit en émigration, et même à ce sujet, des commissaires sont allés, le 23 ventôse an II, interroger au séminaire de Reims où elle était détenue, Catherine Rose Duhoux « demeurant avec son cousin Duhoux ci-devant chanoine, soupçonné de détenir des effets ayant appartenu à son parent et au chanoine Dunan, tous deux émigrés, et de plus, cherchant à cacher son attachement pour la prêtraille » [17]. Le nom du chanoine Duhoux, déjà inscrit sur la liste officielle de 1794, était encore sur une liste du 27 fructidor an X. Le 13 janvier .1806, il est devenu curé d'Ay, où il est mort, chanoine honoraire de Meaux, le 21 mai 1809.

 

      Pierre Dunan, né dans le diocèse de Nevers a remplacé, le 15 juillet 1786, Joseph Marie gros qui échangeait son canonicat de Notre-Dame de Reims pour devenir curé de Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris. Il avait souscrit 720 livres de don patriotique en 1789. Chassé par l’émeute du 23 mai 1791 provoquée contre le doyen du Chapitre, M. de Maurous, le chanoine Dunan avait pris, le 25 mai, un passeport pour se rendre à Troyes. Il ne reparut pas à Reims. Le 2 novembre 1799, on voit qu’il était à Drolshagen, en Westphalie ; en effet, il adressait une lettre à l’ancien maire de Reims Hurtault ou à son défaut, aux administrateurs de la ville. Il leur demandait une attestation pour prouver que son départ de Reims en 1791 n’était pas une émigration libre et volontaire, mais une mesure de prudence et de sauvegarde destinée à apaiser les esprits surexcités par l’échauffourée du 23 mai chez M. de Maurous. Ce certificat avait pour but de pourvoir à ses besoins[18].

 

      Jean Chrysostome Dupleix de Cadignan, né le 10 mars 1748 à Condom, chanoine de Notre-Dame au décès de Paul Gascard, le 25 août 1779,  et vicaire général du diocèse depuis le 5 janvier 1778, n’a pas dû conserver à Reims, après la suppression du Chapitre, son domicile de la rue du Cloître. Sa trace n’a pas été retrouvée avant 1847, où il était inscrit à Condom pour une pension de 267 francs.

 

      Même silence sur Charles Guillaume Amy de GAUDRAIMONT, du diocèse de Sens, promu chanoine de Reims le 21 juillet 1782, à la suite de la démission offerte par Georges Jean Delattre d’Aubigny.

 

      Gaspard Genée d’Estournelles était né à la Ferté-sous-Jouarre, diocèse de Meaux. En vertu de l’un de ces actes de permutation si fréquents au XVIIIe siècle, il céda sa cure de Troissy à Étienne Jacquin pour recueillir à Notre-Dame de Reims sa prébende et son canonicat. Il fut installé le 21 novembre 1778 et devint vice-promoteur de l’officialité diocésaine. Il résidait rue d’Anjou ; mais il a quitté Reims pour se rendre à Aix-la-Chapelle, le 28 mai 1791, et il est mort en émigration à Mittau (Russie).

 

      Pierre GOHIER, né le 20 août 1725 à Mesnil-Robert, diocèse de Coutances, était vicaire perpétuel à Notre-Dame de Poissy, diocèse de Chartres, quand il fut appelé à recueillir le canonicat vacant à Reims par le décès de Nicolas Pierre Joseph Regnault d’Irval, le 13 mars 1780. La déclaration du 14 mars 1790 a déformé son nom : Pierre Goyer. Son émigration n’alla pas sans surprises :

      « Le chanoine Gohier, fuyant la réclusion de Châlons, s’est sauvé à Chimay ; mais son voiturier arrêté à Château-Porcien a été saisi avec sept lettres qui réclamaient son mobilier qu’on a saisi chez un cordonnier de la rue de Contrai » [19].

      Gohier lui-même fut arrêté à Liège, et renvoyé dans son département. Le 25 nivôse an VI, il était rayé, il est vrai, de la liste des émigrés, mais considéré comme sujet à la réclusion. Il avait été d’abord retenu à Reims quatre à cinq mois dans la maison de justice, avant d’être transféré à Châlons. Par une lettre du 2 frimaire an VII, Blavier le recommandait aux administrateurs du département et Lemercier leur faisait observer que ce vieillard ne trouverait pas à la maison de Châlons les aumônes et les soins dont il avait besoin et qu’il se procurait à Reims. L’ordre de libération est du 9 fructidor an VIII.

      Le 4 fructidor an XI, Pierre Gohier fut chargé de desservir Prunay où la population lui avait loué une maison. Il est mort dans cette paroisse le 3 septembre 1806.

 

      François André Joachim de Grimaldi, du diocèse de Nice, chanoine de Notre-Dame depuis le samedi 30 avril 1785 comme successeur d’Alexis Guérin, reçut aussi le titre de vicaire général. Il jouissait de l’abbaye de Rosières au diocèse de Besançon, d’un revenu de 4.500 livres et il versa 1.000 livres à la souscription patriotique de 1789. Il a quitté sa maison de la rue des Groseillers à Reims, le 29 mars 1791, pour se rendre à Paris, où il était « aumônier de quartier de la chapelle de la reine » [20]. Il est mort en 1818 [21].

 

      Pierre Alexis GUÉRIN, né à Leffincourt, ordonné en 1758, a succédé comme chanoine, le 3 septembre 1777, à défunt Louis Joachim de Beaumont. Il est devenu grand pénitencier au décès de Jean Chrysostome Rondeau, le 23 avril 1785. Deux de ses sœurs étaient religieuses au Carmel de Reims ; ce sont elles à peu près sûrement que signalait un rapport adressé en 1793 au comité de surveillance et dont voici le texte :

      « Il m’a été dit par une personne digne de foi que toutes les fêtes et dimanches vers 9 heures du matin plusieurs aristocrates de tout sexe se rendent à cette heure à la maison de Guérin ci-devant chanoine située dans les ruelles et attenante à la maison du citoyen La Combe pour y assister à la Messe du bon prêtre et l’après-midi à Vêpres, je n’affirme pas que cela soit vrai, mais il serait de la prudence de surveiller cette maison habitée par deux ci-devant religieuses ou plutôt de faire une visite à l’heure ci-dessus indiquée où l’on pourrait peut-être trouver autre chose que les aristocrates et le bon prêtre… » [22]

 

      Pierre Nicolas GUILBERT est né dans le diocèse de Paris, le (page 58) 30 décembre 1740 ; il a été ordonné à Reims en 1782. Depuis le 19 octobre 1776, il avait remplacé dans le Chapitre de Notre-Dame Laurent de Cornette de la Minière qui avait donné sa démission. Il demeurait rue des Fusiliers. Le 20 juillet 1791, il avait pris un passeport pour Bourbon et ne reparut plus à Reims. Aussi est-il inscrit parmi les émigrés. Toutefois, par ordre du préfet de la Marne, il en fut rayé le 13 brumaire an X ; on lui rendit la jouissance de ceux de ses biens qui n’avaient pas été vendus, sans pourtant lui reconnaître aucun droit sur ceux qui avaient pu l’être. Après avoir souscrit, le 30 floréal an X, l’acte de soumission exigé des émigrés rentrés en France, Guilbert avait été nommé, le 29 messidor an XI, desservant de Villers-Allerand. Il en a été transféré le 27 mars 1810 dans la paroisse de Corroy et Ognes, où il est mort le 29 avril 1821 [23].

 

      Jean Ponce Hénon, né à Blombay, le 3 septembre 1736, fut ordonné en 1760. Il était gradué en théologie. Après avoir desservi Montcy-Notre-Dame, il avait professé la rhétorique à Charleville d’abord, puis à Reims pendant quatorze ans. Chanoine de Saint-Pierre-les-Dames, le 19 février 1778, il fut nommé chanoine de Notre-Dame, le 2 août 1780, par suite de la résignation qu’avait faite Jean Jacquemart [24]. Hénon se déroba au serment en prenant un passeport pour Mons, le 25 mai 1791 : « Bonamy de Maurous s’est retiré à Mons et le curé de Saint-Hilaire (Thiéry) à Namur. Le bon chanoine Hénon, voulant les y joindre, a été déchargé à Givet de mille livres de numéraire qu’on lui a échangé contre un assignat » [25]. Et l’infâme Beaucourt raconte à ses lecteurs « que, parmi les espions de l’armée autrichienne qui ont été saisis (par les troupes françaises), on aurait trouvé un curé de Cuchery déguisé en vivandier et un chanoine de Reims, Hénon, en habits bourgeois » [26]. Hénon, qui était à Maastricht en 1793 et qui visita successivement les Pays-Bas et la Bavière, figure encore sur une liste d’émigrés au 6 fructidor an X [27].

      Le 2e jour complémentaire de l’an XII, il a été nommé pour desservir Chamery. Le 1er vendémiaire an XIV, il en a été tiré pour exercer à Jonchery-sur-Vesle par permutation avec Thomas Coffin. Le 29 octobre 1807, il était transféré à Villedommange où sa pension était de 333 francs. Il y est mort le 1er août 1814.

 

      Louis Martin HOCQUET, né à Paris le 20 octobre 1747, avait été nommé chanoine de Notre-Dame, le 5 février 1776, au décès de Jean Ligier. Par un brevet de joyeux avènement délivré à Marly le 14 juillet 1774, une seconde prébende avait été jointe par le roi aux revenus de son canonicat. Aussi le don patriotique de 1789 s’élevait-il à 1.050 livres. Hocquet prit un passeport pour Paris, le 6 juin 1791, et se déroba alors au serment. Il reparut à Trois-Puits au 4 septembre 1792 et il a prêté le serment de liberté. Au 29 messidor an III il déclarait vouloir y exercer « le culte catholique, apostolique et romain ». Le 8 vendémiaire an IV, Hocquet faisait une nouvelle déclaration pour pouvoir célébrer à Reims. Il exerçait ainsi en plusieurs communes comme le prouva l’enquête de l’an VI. Le serment de fructidor avait été prêté à Reims, le 3 vendémiaire an VI.

      Du 27 floréal an XI au 4 prairial an XIII, Hocquet desservit Trois-Puits, sa résidence, et Montbré. Au 2 messidor an XII, il avait été nommé curé de Ville-en-Tardenois, où il succomba le 2 mai 1816.

 

      Louis Joseph d’HUMIÈRES, du diocèse de Saint-Flour, licencié en Sorbonne en 1780, a succédé dans le Chapitre de Notre-Dame à défunt Louis Alexandre Médard de Goudard, le 2 octobre 1783. Le 13 novembre 1780, il avait reçu le titre de vicaire général du diocèse. De plus, il était abbé de Chartreuse, et, depuis 1785, abbé commendataire de l’abbaye de Genlis, au diocèse de Noyon, d’un revenu de 2.000 livres. Son domicile était rue des Groseillers. Le don patriotique de 1.800 livres indique une assez large situation de fortune. Le 28 mai 1791, il prit à Reims un passeport pour Maubeuge ; aussi est-il sur la liste des émigrés et déportés de 1794. Après le Concordat, il fut grand vicaire de Rennes, puis entra dans l’université et devint recteur de Limoges. À la Restauration, il abandonna l’Université, fut vicaire général de Limoges, puis de Valence pendant douze ans. Le 28 septembre 1831, il était désigné pour l’archevêché d’Avignon. Il est mort le 21 septembre 1834 [28].

 

      François Nicolas Lagoille (dit Lagoille de Lochefontaine) est issu, le 31 décembre 1749, d’une vieille famille rémoise de la paroisse de Saint-Pierre. Son ordination remonte à 1774. En 1776, il était agrégé à l’Université de Reims. Depuis le 18 mai 1773, il avait succédé, au sein du Chapitre de Notre-Dame, à défunt Charles Guillaume des Forges de l’Échelois. Lagoille devint sénéchal du Chapitre et fut son député à l’Assemblée nationale. Il avait son domicile à Reims chez les pères jacobins. On remarque l’importance de son don patriotique de 1.500 livres. Insermenté et émigré, à tout le moins déporté volontaire, il avait protesté contre la confiscation de ses biens ; par décision du 19 frimaire an IV, le Conseil général déclara « que les biens meubles et immeubles de François Nicolas Lagoille, prêtre déporté, qui avait été confisqués, seraient remis à son frère et héritier présomptif, Jean-Baptiste Lagoille, la confiscation étant levée par la loi du 22 fructidor » [29].

      En 1808, Lagoille avait le titre de chanoine honoraire de Meaux résidant à Reims. Il est mort à Reims, le 6 septembre 1814.

 

      Maurice Laubry était né à Reims, sur la paroisse Saint-Étienne, le 19 avril 1745, et avait reçu la prêtrise, le 20 mai 1769. Il était, en 1770, docteur de l’Université de Reims. Cette même année, il laissa la charge de chapelain de la paroisse Saint-Martin pour aller étudier à Paris le droit civil et canonique. Chanoine de Notre-Dame, le 1er juillet 1782, en place de défunt Géry Meusnier, il fut nommé vice-official diocésain, le 22 août suivant, et promoteur, le 25 octobre 1785.

      Laubry était de complexion maladive : comme il s’était abstenu de faire serment, il était interné chez lui sous la surveillance de la municipalité. Le 19 mai 1793, il fut dénoncé au département « parce qu’étant sujet à déportation il s’était promené le 16, dans les promenades de Reims avec un abbé Lambert, prêtre assermenté ». Immédiatement Laubry fut interné à la maison de détention de Châlons : un passeport fut délivré le 20 mai à sa sœur Marie-Jeanne Clotilde Laubry « allant à Châlons pour y accompagner Maurice Laubry, son frère, envoyé par le district à la maison de réclusion, afin de le soigner dans ses indispositions de maladie » ; car, d’après les certificats des médecins, les crises mettaient en danger de mort Laubry et ses garde-malade. Ils ne furent libérés par le représentant Albert qu’au mois de mars 1795. Au 9 brumaire an IV, les administrateurs départementaux insistaient pour faire appliquer à Laubry la loi d’expulsion du territoire du 3 brumaire contre les insermentés. Le Conseil de Reims faisait constater que Laubry était au lit avec fièvre continue, délire habituel, et que ladite loi ne pouvait lui être appliquée. Nouvelles instances du département, le 22 frimaire, avec (page 61) ordre de faire visiter le malade et de juger si son transport à Châlons pouvait être opéré sans danger. Nouveau rapport du Conseil daté du 25 ventôse :

      « Soumis à une inspection récente d’après les injonctions du Département, Laubry a été trouvé atteint depuis dix ans d’une maladie de nerfs dont les accès plus fréquents et plus violents nécessitent une surveillance spéciale. »

      Encore au 9 nivôse an VI, le département soumettait cet infortuné malade à une surveillance sévère, à l’internement dans l’enceinte de Reims et à une interdiction absolue de toute fonction religieuse [30]. Enfin il put entrer dans la paix du tombeau, le 22 mars 1803.

      Laubry laissait un Traité de l’union des bénéfices (Paris, 1778) et un Traité de l’érection des bénéfices (1781) ; plus une traduction manuscrite des Psaumes de l’hébreu en latin [31].

 

      Sébastien René Le Comte, né à Reims, paroisse  Saint-Julien, le 23 novembre 1735, ordonné en 1760, avait été professeur à l’Université avant de recueillir le canonicat occupé depuis le 28 octobre 1759 par Jean de Fays, sous-diacre, et délaissé le 1er août 1783. Le 2 décembre suivant, le chanoine Le Comte était nommé notaire apostolique ; le 1er juillet 1785, il a échangé cette charge pour celle de greffier des contrôles et insinuations ecclésiastiques et en 1789, il résidait rue de la Poissonnerie. Il était encore titulaire de la chapelle de Saint-Éloi en l’église de Saint-Pierre-au-Mont à Châlons-sur-Marne. On trouve, en 1789, un don de 360 livres à la Nation et, en 1792, un passeport pour Chimay (n° 6497). L’époque de son retour à Reims n’a pas été trouvée. En 1817, c’est à Reims qu’il recevait une pension de 333 francs comme ancien bénéficier. Il demeurait rue Saint-Pierre-les-Dames quand il est mort, le 15 août 1821, à 86 ans.

      On a imprimé, en 1773, un Mémoire de revendication de droits de succession dont Le Comte est l’auteur [32].

 

      François LECOURT, né à Reims sur la paroisse de Saint-Symphorien, le 17 décembre 1736, fut ordonné en 1761. Il a déclaré « avoir été 21 ans professeur de l’Université ». Du 10 octobre 1776 au 14 octobre 1783, il avait même été investi de la charge de principal du Collège. Le 11 juillet 1781, il en avait été récompensé par sa promotion dans le Chapitre Notre-Dame après le décès de René Guillaume Thiverny. En 1789, Lecourt était receveur des grains et demeurait rue du Cloître. Son don patriotique fut de 1.000 livres en 1789. Le 1er novembre 1791, la Société populaire le signalait comme émigré. Des passeports lui avaient bien été délivrés au 25 mai et au 8 juillet 1791 ; mais Lecourt demeura à Reims jusqu’aux massacres ; c’est seulement le 6 septembre 1792 qu’il se déporta à Namur n° 6155). On remarque, au 25 frimaire an IV, la revendication présentée au Conseil de Reims par ses héritiers pour succéder à ses biens en vertu de la loi du 22 fructidor an III. Cependant Lecourt avait reparu à Reims, le 25 vendémiaire an V, où il prit un passeport (n° 82) pour Paris. La loi du 19 fructidor l’obligea à reprendre le chemin de l’exil. Il est mort à Paderborn, en Westphalie, le 11 ventôse an X.

 

      Nicolas Antoine Legrand, né à Reims le 16 juillet 1731, fut créé chanoine de Notre-Dame, le 6 janvier 1761, en place de Rémi Antoine Bourgoin, démissionnaire. Il avait aussi la jouissance d’une chapelle de Saint-Louis à Dormans. Legrand a prêté le serment de 1792 le 22 août ; celui de fructidor, le 5e jour complémentaire de l’an V ; il s’est soumis à la loi de vendémiaire le 8 vendémiaire an IV ; enfin, il a accepté de faire le serment de l’an VIII le 11 pluviôse. Il avait 1.000 livres de pension. Il est mort rue du Cloître, le 20 ventôse an IX (11 mars 1802), à 71 ans.

 

      Antoine Pierre de la Condamine de Lescure est né, le 23 mars 1731, à Sainte-Foy-la-Grande, alors du diocèse d’Agen, maintenant du diocèse de Bordeaux [33]. Chanoine de Notre-Dame de Reims, le 11 février 1767, après le décès de Simon Charles Charuel ; vicaire général le 28 septembre 1768 ; grand archidiacre le 14 août 1771, après Mgr Hachette des Portes, devenu évêque de Glandèves ; de plus official diocésain, il a été confirmé dans ses charges le 27 octobre 1777, par Mgr de Talleyrand. Il était encore abbé commendataire d’Epernay depuis 1776 ; de Ressons, au diocèse de Rouen depuis 1773, et bénéficier de l’abbaye de Belval, au diocèse de Reims [34]. Ses revenus ont été évalués à 18.935 livres ; aussi avait-il souscrit 3.000 livres de don patriotique en 1789. Sa résidence à Reims était rue du Cloître ; il passait la belle saison à Montchenot où il avait une maison de campagne. Le 3 septembre 1792, sous prétexte de perquisition d’armes, les gardes nationaux de Chamery, de Sermiers et de Villers-Allerand envahirent la maison de Montchenot. Malgré l’insuccès de leurs recherches, M. de Lescure fut saisi avec le chanoine de Vachères qui était son  hôte. Amené à Reims au milieu des outrages et des brutalités, ils furent massacrés sur les degrés de l’Hôtel de ville [35].

 

      Charles Mannay, né à Champeix (Puy-de-Dôme) le 17 octobre 1745, docteur de Sorbonne en 1773, avait été le percepteur du futur évêque d’Autun qui, en 1780, nommé lui-même agent général du clergé, fit de Mannay son sous-agent. Le 7 mai 1780, il succéda dans le Chapitre de Notre-Dame à défunt Nicolas Jean-Baptiste François Caqué. Mannay, en 1782, eut la jouissance des prieurés de la Loye au diocèse de Besançon et de Conflans-Sainte-Honorine. Le 26 février 1787 lui ont été délivrées des lettres de vicaire général du diocèse de Reims. Son domicile habituel était Paris. Il émigra à la Révolution en Angleterre, puis en Écosse. Le 5 juillet 1802, Mannay fut sacré évêque de Trèves. Napoléon le combla d’honneurs que le prélat sut payer en complaisances pour les volontés impériales. En 1814, la position du diocèse de Trèves avait écarté Mgr Mannay de la France ; son gouvernement y était laborieux. Inquiété pendant les Cent-Jours, il démissionna. Il fut transféré à Coutances, puis en 1817 à Auxerre, enfin le 20 mars 1820 à l’archevêché de Rennes. Il est mort le 5 décembre 1824[36].

 

      Joseph Nicolas Marchand, du diocèse de Paris, devint chanoine de Notre-Dame le 20 mars 1780, par résignation de Louis-Marie Parchappe de Vinay. Il avait quitté Reims, où par ordre de la municipalité, une perquisition fut faite dans sa maison de la rue de la Visitation en avril 1793, comme au domicile d’autres prêtres réputés émigrés [37].

 

      Simon Marchant, né à Sauville le 14 octobre 1751, avait été ordonné le 23 décembre 1775. Dans le Chapitre de Notre-Dame, il a succédé, le 28 avril 1784, à François Emmanuel Pommyer, démissionnaire. Il demeurait au Parvis. Le 27 novembre 1792, il a fait le serment de liberté et Baronnet fait suivre son nom du mot absout. En effet, il était inscrit comme émigré et ne reparut à (page 64) Reims qu’après la loi de vendémiaire. Au 23 fructidor an V lui fut délivré un passeport, probablement parce qu’il refusa de faire le serment de haine à la royauté. En 1814, Simon Marchant était à Paris clerc de la chapelle du roi, avec pension de 267 francs. En 1821, il assistait à l’entrée de Mgr de Coucy à Reims ; au titre de chanoine du nouveau Chapitre, il a réuni, en 1827, celui de vicaire général. Il est mort à Paris, le 22 février 1830, étant alors chapelain du roi [38].

 

      Guillaume Barnabé Bonamy Duroc de Maurous, du diocèse de Cahors, était chanoine de Notre-Dame depuis le 15 avril 1772 en place de Louis François de la Freslonnière et fut nommé prévôt du Chapitre à cette époque. Il fut vicaire général diocésain sous Mgr de la Roche-Aymon et sous Mgr de Talleyrand. En 1789, il fut à Reims le président de l’assemblée du département. « Depuis 1774, déclarait-il le 2 avril 1790, il était abbé des Eschaliers au diocèse de Sens et recevait une pension de 1.400 livres sur l’abbaye de Boscandon. » Ce qui fait comprendre comment il se taxait à 3.000 livres de don à la Nation en 1789. Le 24 novembre 1790, M. de Maurous protesta auprès du district départemental contre la suppression du Chapitre. Adversaire énergique de la Constitution civile du clergé et de plus représentant de Mgr de Talleyrand, M. de Maurous faisait distribuer aux ecclésiastiques de Reims et aux couvent, des brochures de saine doctrine lorsque, dans la matinée du 23 mai 1791, son domestique fut surpris à les colporter. La maison de M. de Maurous, située rue du Cloître, et celles des chanoines du voisinage furent envahies par une émeute populaire que ne parvenaient à contenir les gardes nationaux, ni la municipalité, ni l’évêque Diot. La foule avait fait irruption dans la maison de M. de Maurous pour le saisir et des délégués s’en allèrent perquisitionner dans les couvents où on pensait le découvrir. M. de Maurous s’était dérobé aux fureurs de peuple, il dut quitter Reims et se rendre à l’étranger. Un dossier des Archives de Reims contient les réclamations qu’il adressait de son exil pour recouvrer les vêtements, meubles ou argent qui avaient été mis sous scellés dans sa maison de Reims. « On assure que Bonamy de Maurous est mort à Bruxelles le 22 avril », dit Hédoin dans son Journal de 1792 [39].

 

      Jean-Baptiste Méon était né à Rethel, le 24 novembre 1744. Il était chanoine de Notre-Dame depuis le 8 octobre 1756, époque où il avait succédé à défunt Nicolas Gaudru. Par un brevet du 6 septembre 1762, il ajoutait à sa prébende les revenus d’une chapelle à Courville. Aussi avait-il souscrit 450 livres de don patriotique en 1789. Méon se soumit au serment de 1792, le 22 août ; il était titulaire d’une pension de 1.000 livres. Les formalités de la loi de vendémiaire avaient été remplies, le 8 et le 20 vendémiaire an IV, pour lui permettre d’exercer le culte à Reims. Mais la mort survint, le 15 fructidor an IV (1er septembre 1796).

 

      Antoine MIGEOT, né au Chesne le 6 juin 1730 ; chanoine de Notre-Dame depuis le 19 février 1774 au décès de Nicolas Hénin, avait la charge de sénéchal en 1790 et demeurait rue de l’École de Médecine. Le 7 mars une délégation municipale se rendit auprès de lui pour le remercier du bon ordre avec lequel s’était accomplie la cérémonie d’un Te Deum chanté à la cathédrale après le serment de la garde nationale. Au titre de sénéchal il présenta à la municipalité, le 27 février 1790, une déclaration des biens, revenus et charges de l’église métropolitaine. Migeot refusa le serment. Bien que dénoncé comme émigré au 1er novembre 1791, il était encore à Reims aux massacres de 1792 et ne quitta cette ville que le 15 septembre, muni d’un passeport pour Dinant (n° 6516). De Belgique il passa en Westphalie. Il est mort à Hertem, le 1er octobre 1794. Migeot laissait la réputation d’un professeur très clair, d’un excellent humanisme, d’un homme d’aimables relations.

 

      Louis MASSON, né a Châlons-sur-Marne, le 24 juillet 1750, succéda comme chanoine, le 11 mai 1785, à Claude François Antoine Martin de Julvécourt, sous-diacre et chanoine de Notre-Dame depuis le 4  janvier 1770, qui démissionna en sa faveur. Souscription patriotique de 1789, 600 livres. Il refusa le serment et prit, le 9 septembre 1792, un passeport de déportation pour Dinant (n° 6373). On le trouve en 1793 réfugié à Maastricht.

      Moisson reparut à Reims au Concordat. Sa pension fut liquidée après le 3 prairial an X. Il a rempli à Saint-Thierry les fonctions de desservant que les Archives de la Marne assignent au chanoine Dervin. Il eut le titre de chanoine honoraire de Meaux. Il est mort, le 23 mars 1807, à Reims, rue de la Poissonnerie, à 56 ans.

 

      Éléonor MORVANCHET, du diocèse d’Autun, chanoine de Notre-Dame au décès de Pierre de Lattaignant, le 20 août 1787, n’est connu que par les dons patriotiques de 1789 et 1790, 225 et 200 livres et par sa déclaration du 13 mars 1790. Ce qui donne lieu de croire qu’il avait quitté Reims à la suppression du Chapitre. Baronnet l’a inscrit parmi les assermentés de 1792 : rien n’a été trouvé à cet égard.

 

      Jean-Baptiste NOIZET, né en 1716, avait la charge de notaire apostolique. Il était chanoine de Notre-Dame depuis le 30 janvier 1758 en place d’Hippolyte Favereau. Son don patriotique avait été de 300 livres en 1789. Il s’est éteint à Reims le 20 avril 1792, à 76 ans, rue du Cloître.

 

      Nicolas OUDA, né à Reims le 13 mai 1714, docteur de l’Université en 1740, du Chapitre de la collégiale de Langres entre 1749 et 1772, fut créé chanoine de Notre-Dame au départ d’Étienne Jean Legris, le 27 mai 1772. Il habitait rue du Cloître et versa 600 livres pour la Nation, en 1789. Ayant refusé le serment, il se déporta volontairement à Namur, le 8 septembre 1792 (n° 6206), tandis que Marguerite Labarre, sa servante, prenait un passeport pour Mézières et Givet. Le chanoine Ouda revint à Reims où il est mort le 7 février 1793.

 

      Jean-Jacques Louis PICHART était né à Paris, le 11 septembre 1739. Il avait recueilli le canonicat dont s’était dépouillé en sa faveur Antoine Lambert, le 15 juin 1785. De plus il jouissait du prieuré de Sainte-Eulalie de Bonet, au diocèse de La Rochelle. Son domicile était rue du Cloître. Il souscrivit 600 livres pour la Nation en 1789. Pichart fit le serment de 1792, le 23 août ; toutefois il fut soumis, au 9 nivôse an VI, à une enquête à ce sujet :

      « Bien qu’averti trois fois, il ne s’est pas présenté. Il n’est pas connu pour avoir exercé depuis l’an IV. » [40]

      Dès le 16 messidor an III, il avait pourtant déclaré vouloir dire la messe et exercer les fonctions du culte à l’Hôtel-Dieu de Reims et à la cathédrale. Sa pension était de 1.000 livres. Après avoir prêté à Reims, le 2 prairial an X, le serment concordataire, Pichart fut nommé, le 27 floréal an XII, desservant de Pouillon et Thil ; le 9 messidor an XIII, desservant de Prouilly ; en février 1806, desservant de Connantre où il est mort, le 28 janvier 1810 [41].

 

      Jean Gérard PIERRET était né à Rocquigny vers 1736 ; il avait été ordonné en 1760 et était pourvu des grandes théologiques. Il avait été chapelain de Saint-Pierre et de Saint-Michel à Reims jusqu’en 1768. Entre 1768 et 1784, il fut curé d’Hannapes. Au 27 mars 1784, Pierret devint chanoine de Notre-Dame et, moyennant une pension viagère de 600 livres, prit la place laissée vacante par Charles Maurice de Talleyrand. Il était le sous-diacre du Chapitre et reçut, de ce chef, les remerciements de la municipalité après la cérémonie qui avait suivi le serment des gardes nationaux. Son domicile était rue de la grosse écritoire. Il resta jusqu’au 15 septembre 1792 et se déroba alors au serment de liberté par sa déportation volontaire à Chimay (n° 6496). Il est mort en émigration, avant 1800, d’après une note de Raussin ; en revenant d’exil et à Clermont-les-Fermes, d’après des notes locales.

 

      Emmanuel Nicolas François POLONCEAU, né à Reims le 13 juillet 1725, succéda dans le Chapitre Notre-Dame à défunt Jean Godinot, le 17 avril 1749. En plus de sa prébende, un brevet du 28 octobre 1770 lui avait attribué la chapelle royale du château du Marville, au diocèse de Trèves. Un second brevet du 9 avril 1775 l’avait doté d’une pension sur l’évêché de Nantes. Aussi, en 1789, avait-il offert à la Nation un don de 486 livres. Polonceau fit le serment de 1792, le 23 août ; ainsi était sauvegardée sa pension de 1.000 livres. Sa demande pour exercer le culte avait été inscrite le 27 vendémiaire an IV ; mais il est mort en sa maison de la place Nationale, le 10 ventôse an V, à 71 ans.

 

      Nicolas François Bonaventure POMMYER de ROUGEMONT, du diocèse de Paris, chanoine de Notre-Dame depuis le 11 octobre 1759, avait recueilli, le 2 septembre 1777, la charge d’écolâtre, vacante par le décès du chanoine de Beaumont, et que Jean-Charles de Coucy crut devoir décliner. Au 29 mars 1780, il était vicaire général de Bordeaux et abbé commendataire de Mouzon. Pommyer jouissait de plusieurs autres bénéfices : un prieuré au diocèse d’Angoulême ; une chapellenie en celui de Tours ; un nouveau prieuré au diocèse de La Rochelle ; enfin la chapelle du château de Romance, près Rethel. Ce qui lui permit d’offrir, en 1789, 900 livres en don patriotique. Il habitait rue d’Anjou. Plutôt que de prêter serment, il émigra et figure encore sur une liste supplémentaire dressée le 19 messidor an X.

 

      Merry Pommyer de Sarches, né aussi à Paris en 1713, avait recueilli, le 28 octobre 1750, le canonicat que lui transmettait François Emmanuel Pommyer. Le 28 décembre 1769, il avait été élu doyen du Chapitre. Il jouissait encore d'un supplément de 1.137 livres que lui procuraient des pensions sur deux prieurés du diocèse d'Angoulême : aussi offrit-il un don de 1.000 livres en 1789. Pommyer de Sarches avait refusé tout serment. Le 17 germinal an II, les nièces qui partageaient son domicile de la rue d'Anjou, n° 2, venaient déclarer au Conseil de ville « que si leur oncle n'avait pas prêté le serment d'égalité, il en pratiquait les principes ; que, du reste, il était tombé en enfance et  était désormais incapable de prêter serment ». On l'aurait pourtant mis en réclusion si son grand âge et ses infirmités n'avaient pas interdit de le transporter. Le 9 frimaire an IV, ayant été dépouillé de ses meubles, de son argenterie, de ses livres et effets, Merry Pommyer faisait réclamer le produit de la vente pour les exigences de sa vie. Le Conseil de Reims le renvoyait au Département qui répondait à ses réclamations par de nouveau ordres de l’amener à Châlons, ce qui fut reconnu impossible :

      « Sujet à réclusion : impossible vu son âge et ses infirmités. »

      Un arrêté du 9 nivôse an VI soumettait encore à une surveillance spéciale ce vieillard impotent de 84 ans. Il est mort, le 5 ventôse an X, à 89 ans, rue d’Anjou.

 

      Étienne Jean-Baptiste ROBERT était né à Reims, paroisse Saint-Hilaire ; il fut ordonné en 1763. Depuis 1768, il avait le titre de docteur. Il entra d’abord au Chapitre Saint-Timothée et, le 2 août 1783, il recueillit le titre de chanoine de Notre-Dame dont Louis Macquart, chanoine depuis le 25 février 1769, faisait abandon en sa faveur. Le chanoine Robert jouissait aussi de quelques revenus qui lui procurait la chapelle Notre-Dame de Fismes. Son domicile était rue Saint-Yon. Le 6 mai 1792, le district de Reims refusa de l’admettre pour desservir la chapelle des Dames religieuses de la Congrégation :

      « La Supérieure sera invitée à proposer un ecclésiastique connu pour sa tranquillité et sa tolérance. » [42]

      Le chanoine Robert s’exila volontairement. Il est mort le 20 mai 1812, à Reims, rue de la Tirelire.

 

      Robert François RONDEAU, appelé Rondeau l’Aîné ; naquit à Saint-Jean-aux-Bois, le 1er octobre 1713. Il était directeur de l’Université en 1751 ; fut créé chanoine de Notre-Dame le 11 octobre 1756 ; puis promoteur diocésain le 1er novembre 1777, et vicaire général le 25 octobre 1785. Un brevet royal du 15 décembre 1771 avait ajouté à sa prébende une pension sur l’évêché de Périgueux. Sa souscription patriotique en 1789 atteignit 600 livres. La maison du chanoine Rondeau était située rue du Cloître ; elle servit, pendant la Terreur, de prison supplémentaire pour les suspects. Comme Robert François Rondeau avait refusé le serment, sa condition de sexagénaire le rendait passible de la réclusion. Aussi fut-il interné à Châlons, le 13 juin 1793, avec Nicolle Rondeau sa nièce ; ils ne furent libérés que le 26 pluviôse an III par décision du représentant Albert. Au 26 ventôse an III, Rondeau déclara vouloir exercer le culte chez un citoyen Pâté, demeurant rue de Tambour. C’est dans cette maison hospitalière que, dès 1795, en vertu des pouvoirs spéciaux accordés d’Eisnach (Haute-Saxe) par Mgr de Talleyrand à Robert François Rondeau, son vicaire général, bon nombre de prêtres fourvoyés et désireux de sortir du schisme vinrent signer la rétractation de leurs erreurs et se faire relever des censures qu’ils avaient encourues. Il lui était interdit toutefois de pouvoir absoudre : « intrusos, invasores, ab episcopis intrusis approbatus seu delegatos et ab iisdem ordinatos ». Au 25 messidor an VI, M. Rondeau avait été de nouveau détenu :

      « Le chanoine Rondeau, vice-gérant des affaires spirituelles du ci-devant diocèse de Reims, a été amené et renfermé en prison… Mis en surveillance chez lui sur attestation de trois officiers de santé comme trop infirme pour souffrir le voyage et la détention, deux envoyés de Châlons ont trouvé les motifs trop peu fondés. » [43]

      Ce vénérable vicaire général, fidèle à l’Église et à son archevêque, était trahi et dénoncé par ses hôtes eux-mêmes. On trouve aux Archives nationales une lettre du teinturier Pâté dont la maison de la rue de Tambour abritait M. Rondeau. Le 6 prairial an V il écrivait à Reubell, membre du Directoire exécutif :

      « Citoyen. Depuis la résistance des prêtres aux lois, j’ai eu l’humanité d’être en tout leur protecteur. Je vois aujourd’hui qu’ils sont toujours opiniâtres plus que jamais. C’est pourquoi je suis dans la volonté de les abandonner à leurs bêtes préjugés parce que c’est malice de leur part et un entêtement qu’ils ont tous. Je vous demande au nom de la paix, de la bonne société et de la justice, puisqu’ils se disent prêtres du même Dieu, de la même religion et de la même doctrine, de la même morale et des mêmes sacrements, que vos sages lois les mettent tous à l’unisson parce que ces chouans sont des gâteurs d’esprit et de bonne foi. Rendez un bon décret qui les rende soumis aux lois tous ; ou, pour les mieux connaître, que tout ministre puisse exercer son culte même fanatique. Ils sont au nombre de 90 dans la commune de Reims. Notre administration est tolérante, c’est-à-dire chouanne et vendéenne décidée. Ceux qui la composent ont assisté à la procession de la résurrection de Pâques en costume noir, le flambeau à la main comme jadis au temps du veto idéal. Je pense que vous devez les bien connaître. Ainsi plus de retard : la patrie vous sera reconnaissante dans le temps et dans l’éternité.

      Citoyen, depuis que vous êtes à votre poste, vous nous voyez la joie sur les visages ;  le commerce se ranime. Régnez, braves citoyens, vous en êtes de même : faites voir que vous êtes des lumières au dessus des ténèbres ; imposez silence à tous ces sots et persuadez-vous, s’il vous plaît, que je veux être pour la vie votre très obéissant et très dévoué citoyen. »

Paté, teinturier, rue de Tambour, 9 [44].

 

      Au 21 pluviôse an V, un citoyen Périnet écrit au ministre de la police pour dénoncer l’abbé Rondeau et ses missionnaires :

      « Citoyen ministre, Tandis que les agents de Louis XVIII travaillent à organiser des armées pour opérer la contre-révolution, les prêtres déportés et insermentés les secondent avec une activité inconcevable. Répandus dans les villes et les campagnes, ils en séduisent les habitants, soit par menaces ou par promesses. Partout on voit les ménages divisés : la femme ne veut plus voir son époux sous prétexte que celui-ci a fait des serments, a occupé des places, a assisté aux fêtes civiques. On rappelle les enfants qui défendent la patrie ou on leur inspire du dégoût pour le service Les haines se multiplient : on en étend les rameaux : on prépare la guerre civile et ce sont les prêtres qui en sont les apôtres !… Reims est le foyer où se trament toutes ces scélératesses. Il renferme un homme en apparence austère, couvert de cheveux blancs. Rondeau est son nom : il fut jadis vicaire général de l’Archevêque ; il conserve encore les mêmes pouvoirs. C’est lui qui distribue les rôles à chacun de ses agents. Chacun d’eux a un certain arrondissement à parcourir, et c’est toujours de nuit qu’ils voyagent. On tient registre des missions que l’on donne et des succès que l’on obtient. Le Département de la Marne est inondé de ces missionnaires ; il est à craindre que le mal ne gagne les voisins.

      Les prêtres sermentés sont bafoués, honnis, méprisés. Bientôt ils n’oseront plus paraître en public. Ils ont cependant encore beaucoup de sectateurs ; mais la calomnie travaille à les leur enlever.

      La Religion est puissante, citoyen ministre, Numa le sentit puis qu’il l’imagina pour appuyer les lois humaines et s’en trouva bien. La politique veut que le Gouvernement actuel soutienne les prêtres sermentés contre les scélératesses des autres. Si ceux-ci triomphent, leurs principes triompheront avec eux et Louis XVIII serait sur le trône.

      Pensez mes raisons, citoyen : il faut au peuple une religion et le peuple français est catholique. Protégez donc la religion ; protégez fortement, oui fortement, les prêtres qui, attachés à cette religion, enseignent au peuple à respecter les lois, à aimer le gouvernement républicain. Ne méprisons pas les sermons ; il est prouvé qu’ils font plus d’impression sur le peuple que les menaces que contiennent les lois humaines : c’est une vérité sentie et qui a été trop méprisée.

      Je reviens au mal que font les prêtres réfractaires : quoiqu’il soit grand, il n’est cependant pas sans remède, mais il faut que les mesures soient promptes. »

Pomacle, ce 21 pluviôse an V.                   Salut et fraternité

Département de la Marne                          PÉRINET. [45]

      Telle était dans le diocèse de Reims l’influence exercée par le vénérable abbé Rondeau pour préserver du schisme et les pasteurs et les fidèles que l’administration du département de la Marne le traitait avec une exceptionnelle malveillance.

      « Rondeau, — lit-on dans un acte d’accusation du 7 ventôse an VI relatif à la paroisse de Romery, — Rondeau, prêtre réfractaire demeurant à Reims, a constamment servi les projets des ennemis du Gouvernement par l’influence que son âge et le fanatisme de ses opinions lui ont acquise et qu’il n’a cessé d’exercer soit à Reims, soit dans le ci-devant diocèse de Reims par l’intermédiaire des émissaires sacrés auxquels il a prodigué le pouvoir de tourmenter les âmes et de souffler le feu de la discorde et de la désobéissance aux lois. »

      Aussi, à 84 ans, M. Rondeau continuait-il d’être soumis à Reims à la surveillance municipale : il était même dénoncé au ministre de la police et des mesures seraient prises « pour que son influence ne vint pas plus longtemps altérer la tranquillité publique ». [46]

      Inébranlable dans sa fidélité à l’Église et à son archevêque exilé, Robert François Rondeau mourut à Reims, rue Nationale, à 89 ans et demi, le 19 germinal an XI (9 avril 1803).

 

      Robert Marie Rondeau ou Rondeau le Jeune, est né aussi à Saint-Jean-aux-Bois, le 14 mars 1740. Il a été ordonné le 7  avril 1764, et il a pris son doctorat en 1767. Le 2 mai 1769, il devenait chanoine de Notre-Dame en lace de défunt Simon Frizon, sous-diacre. Comme cérémoniaire du Chapitre, Rondeau a été complimenté par les délégués municipaux après le Té Deum qui fut chanté pour le serment de la garde nationale. À sa prébende était joint le titre de chapelain de Saint-Pierre de Bouclenay, au diocèse de Reims. Il souscrivit 600 livres pour la Nation. Il habitait avec son parent, rue du cloître. Au 24 mai 1792, le directoire avait autorisé Rondeau le Jeune pour dire la messe dans la chapelle des religieuses de la Congrégation. Robert Marie Rondeau est sur la liste officielle des émigrés, même au 16 fructidor an X. E, 1794, son nom se trouvait parmi les réfugiés du diocèse qui résidait à Maastricht (Registre local) On le retrouve en 1808, membre du conseil épiscopal et vicaire général diocésain sous l’autorité de l’évêque de Meaux, qui l’avait aussi nommé chanoine honoraire. Comme ancien bénéficier, il avait une pension de 333 francs. Il est mort à Reims, rue du Bourg Saint-Denis, le 19 juillet 1815.

 

      Thierry Nicolas ROUYER, né à Dun le 5 mars 1740, ordonné en 1764, docteur en théologie en 1766, a succédé, le 10 juin 1776, à défunt Jean-Baptiste Ninnin, soit comme chanoine de Notre-Dame, soit comme official diocésain. Il a reçu, le 2 janvier 1781, des lettres de vicaire général. Son domicile était rue de la Prison. Sa souscription patriotique de 1789 s’est élevée à 1.224 livres. Le 1er novembre 1791, la Société populaire dénonçait comme émigré « Roullières, Supérieur du Collège » ; il s’agit de lui sans aucun doute. Il était à Dun et s’exila après le 10 octobre 1792. Il a été rayé de la liste des émigrés de la Meuse le 14 nivôse an VIII. Son nom reparut seulement après le Concordat. Rouyer est mort vicaire général de Reims sous l’autorité de l’évêque de Meaux, le 29 octobre 1806. Il est inhumé à Dun [47].

 

      Charles Édouard de Rutlidge, né à Dunkerque, diocèse d’Ypres, le 28 juillet 1750, a été nommé chanoine de Notre-Dame, le 23 octobre 1775, au départ de Charles Le Batteux. Par brevet royal du 22 février 1778, il jouissait d’une pension de 3.000 livres sur l’abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache. Aussi souscrivait-il 500 livres de don en 1789. Il demeurait rue de Vesle, 92, et consentit, le 21 août 1792, à prêter le serment de liberté. Sa pension fut fixée à 800 livres. Au 16 messidor an III, Rutlidge avait déclaré vouloir dire la messe et exercer les fonctions du ministère sacerdotal dans le local dit la cathédrale et à l’Hôtel-Dieu ; sa demande avait été enregistrée le 26 vendémiaire an IV. Rutlidge est mort le 1er prairial an V (20 mai 1797), à Reims, rue des Chapelains.

 

      Jean François SAVAR, l’aîné des trois frères du même nom, est né à Nanteuil-la-Fosse le 13 octobre 1727 et a été ordonné le 26 février 1752. Curé de Saint-Jacques de Reims le 25 juillet 1755, docteur en théologie en 1758, il succéda, le 30 mars 1769, comme chanoine de Notre-Dame à défunt Nicolas Zénard : il fut aussi nommé théologal à la même époque. Comme il s’était refusé de faire serment, il quitta, le 11 septembre 1792, son domicile de la rue de l’École de Médecine pour se rendre à Namur (n° 6415). Il revint à Reims en pleine Terreur pour y exercer le saint ministère au péril de sa vie. Il a succombé le 30 floréal an VIII (20 mai 1800). Devant l’impossibilité d’aller déclarer son décès, il fut abandonné en pleine nuit dans son cercueil, rue de la Grosse Écritoire, avec cette inscription destinée à le faire reconnaître : « Je suis le chanoine Savar. »

 

      Nicolas THIÉRY, né dans le diocèse de Reims vers 1723, avait été ordonné en 1747. Il commença par desservir Bouzy jusqu’en novembre 1748, devint vicaire de Fismes ; fut curé de Poilly en mars 1753 ; de Villedommange en octobre 1754, et joignait à sa cure, en 1756, la charge de doyen de la Montagne. Le 21 mars 1787, il entrait dans la Chapitre de Notre-Dame en place de défunt Bertrand Chavinier. Sa prébende était grevée d’une lourde redevance :

      « M. Thiéry chanoine a déclaré ne posséder d’autre bénéfice que (page 74) son canonicat grevé de 600 livres de pension qu’il paie au sieur Ottin ci-devant chanoine de ladite église, actuellement à Paris, professeur émérite… »

      Le chanoine Thiéry émigra volontairement à Liège, le 7 septembre 1792, plutôt que de faire serment. Il avait même refusé de signer son passeport (n° 6193).

      François Xavier de Girard de Vachères, né à Bonnieux, diocèse d’Apt, le 15 mars 1736, ordonné en 1760, avait été nommé chanoine de Notre-Dame le 22 avril 1755, au décès de Jean-François Maillefer. Il jouissait aussi, depuis le 13 juillet 1789, de la chapelle de Sainte-Croix en l’église abbatiale d’Avenay. Sa souscription patriotique en 1789 fut de 360 livres. Il habitait rue des Tournelles, n° 2258. Il avait refusé de faire serment. Saisi, le 3 septembre 1792, avec l’abbé de Lescure dans la maison de Montchenot, M. de Vachères fut avec lui amené à Reims au milieu d’une escorte insolente de gardes nationaux de Sermiers et de Chamery, puis de fédérés. On les dirigea vers l’Hôtel de Ville sur les marches duquel ils furent massacrés aux dernières heures du jour par la populace et les fédérés.

      Georges Jean Delattre d’Aubigny, né à Epernay, le 6 septembre 1721, ordonné en 1748, avait été chanoine de Notre-Dame, le 11 octobre 1747. Il se démit de son canonicat en 1782 en faveur de Charles Guillaume Amy de Gaudraimont. En 1790, sa souscription patriotique avait été de 1.200 livres. Il a prêté le serment de liberté, la 21 août 1792 ; celui de l’an V, le 29 fructidor ; celui de l’an VIII, (page 76) le 12 pluviôse. Il avait fait sa déclaration pour le culte le 18 vendémiaire an IV et demeurait rue d’Anjou, 10. Sa pension était de 1.000 livres. Delattre est mort le 4 nivôse an XIII (25 décembre 1804) à Reims, rue d’Anjou, âgé de 83 ans.

      Christophe Élisabeth FAVART d’HERBIGNY, né à Reims en 1727, avait reçu le sous-diaconat en 1748. D’après Hédoin, il est mort diacre. Au 14 février 1749, il était chanoine de Notre-Dame. Il s’est démis de sa charge en 1788 en faveur de Clément Joseph Andrieux en en se réservant une pension annuelle de 700 livres. Il demeurait place Saint-Pierre. Il avait le renom de minéralogiste et surtout de conchyliologiste instruit. Il a publié, vers 1770, un dictionnaire d’histoire naturelle sur les testacés en tris volumes in-8°. Le serment de liberté fut prêté le 25 août 1792. Hédoin mettait au 26 août « l’enterrement du diacre Favart d’Herbigny ». Mais la date inscrite aux Archives du greffe est le 4 septembre 1793.


[1] Archives de la Société populaire.

[2] Enquête de l’an VI. – AM. – BN.

[3] G 371, 35, n° 73. – CR : 481 p. 176. – Manseau, p. 338.

[4] Sauvé était entré dans le Chapitre le 20 février 1579 et fut second archidiacre le 5 septembre 1766.

[5] Bibliothèque Nationale : 1817.

[6] Archives de la Société populaire, Section du Contrat social, liasse M. – Duchesne, p. 408.

[7] G. 371, 35 n° 133.

[8] Archives Municipales de Reims : enquête de l’an VI.

[9] Bibliothèque Nationale. – Mgr Cauly.

[10] Ami de la Religion, t. XXIX, p. 376. – Duchesne, pp. 349 et 392.

[11] Disons une fois pour toutes que les citations qui ont été faites des dons à la Nation proviennent des Archives de Reims. Ces offrandes étaient proportionnelles aux revenus présumés.

[12] Archives Municipales de Reims : enquête de l’an VI.

[13] Dom Sutaine, cité par M. Jadart.

[14] Archives Municipales de Reims. – Archives du Greffe de Reims.

[15] Archives Municipales de Reims : coté 116, 28 février 1790. Rheims : Chapitre de Notre-Dame. Déclaration des Biens et Revenus du Chapitre de l’église métropolitaine de Reims et des Charges attachées aux dits Biens… etc.

[16] Archives Municipales de Reims : 205, Pensionnat Dubourget.

[17] Archives Municipales de Reims : Société populaire ; section de Cérès.

[18] Archives Municipales de Reims : Lettre spéciale.

[19] Journal d’Hédoin, 17 juillet 1793.

[20] Duchesne : La France ecclésiastique en 1790, chez Didot l’aîné à Paris, in-12 de 468 pp. ; p. 344.

[21] Ami de la Religion ; tome XVIII.

[22] Archives Municipales de Reims : Société populaire.

[23] Archives Municipales de Reims.

[24] Jean Jacquemart, de Charleville, est entré au Chapitre le 21 décembre 1752 et en était trésorier depuis le 13 décembre 1756.

[25] Journal d’Hédoin, juillet 1791.

[26] Correspondance de l’Europe, 1792, tome II, p. 491.

[27] Archives Municipales de Reims.

[28] Duchesne, p. 328. – Épiscopat français, 1802 à 1905.

[29] Archives Municipales de Reims.

[30] Archives Municipales de Reims : aux dates indiquées.

[31] Archives Municipales de Reims : Manuscrit 1689.

[32] Imprimerie Jeunehomme.

[33] Archives paroissiales de Sainte-Foy.

[34] Duchesne, pp. 325 et 344.

[35] Voir jugement du 26 thermidor, an III.

[36] Duchesne. – Ami de la Religion, tome XLII, pp. 133 et 225.

[37] Archives Municipales de Reims.

[38] Ami de la Religion, tome LXVI, p. 376.

[39] Voir Archives Municipales de Reims, 23 mai 1791. – Voir aussi la Correspondance générale de l’Europe, 1791 ; tome II, p. 505, et à la fin du même volume, lettre de Bruyant, aide-major. – Et encore, Archives Municipales de Reims : dossier spécial de Maurous. – Et aussi Duchesne, p. 325.

[40] Enquête de l’an VI.

[41] Archives Municipales de Reims.

[42] Archives départementales de la Marne.

[43] Journal du département de la Marne, p. 232.

[44] Archives Nationales : F7 7267 (4683).

[45] Archives Nationales : F7 7230 (6016).

[46] Dossier de Romery au Greffe du Tribunal de Reims.

[47] Archives départementales de la Meuse.

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