AD PERPETUAM REI MEMORIAM

Nicolas Diot
1744-1803

«Diot est né à Reims sur la paroisse de Saint-Pierre-le-Vieil, le 6 janvier 1744 (Enfant de chœur à Notre-Dame, il avait été instruit au Collège de Reims, admis ensuite au Séminaire et ordonné le 28 mai 1768. Il avait ses grades théologiques.

Entré en 1769 comme précepteur chez un fermier général nommé Pignon, Diot avait attiré l'attention (le l'évêque d’Auxerre qui en fit son secrétaire et l'avait nommé chanoine. Le 16 novembre 1770, Diot échangeait ce canonicat d'Auxerre pour la cure de Saint-Brice où il succédait à Charles Louis Joseph Destables [1]. Il en fut curé jusqu’en 1786. Au 22 avril I786, en effet, il a été nommé chanoine de Saint-Symphorien. Mais la situation était insuffisante pour ses charges de famille ; Diot l'échangea, le 26 septembre 1788, avec Jean-Remi Rallet, curé de Vendresse, dont il prit la place le 11 février 1789.

Diot était connu à Reims pour s'être rallié des premiers aux idées de l'Assemblée nationale sur la constitution de l'Église en France ; aussi, lorsqu'il fut question de nommer un évêque de la Marne et que l'abbé François Nicolas Gangand, curé de Mareuil-sur-Ay, se fut dérobé au choix des électeurs, le nom de Diot fut proposé, le 15 mars 1791. Après deux scrutins, il recueillit 272 voix sur 395 votants, majorité suffisante d'après la loi. Informé de ce choix dès le 16 mars par un courrier si rapide que son cheval succomba de fatigue dans la route, Diot s'empressa de venir à Châlons en personne notifier son acceptation. Le 16 mars, il adressait aux électeurs à Châlons-sur-Marne un discours « où il peignit toute la noblesse de l'âme la plus généreuse et la plus désintéressée ». Le président lui répondit :

« Étant abandonnés par le pasteur que leur donnait la loi de l'État, ils avaient cherché un ministre qui se dévouât à leur salut... Le nouvel évêque devra s'attendre que les censures et les anathèmes pleuvent sur lui. Mais il confondra les hypocrites et fera régner la paix. »

Le 28 mars 1791, Diot ne craignait pas de notifier son intrusion (page 143) à Mgr de Talleyrand qui lui répondit vigoureusement le 5 avril [2]. C’est par l'évêque de Paris, assisté de celui du Gard et de l'évêque de Babylone, que Diot fut sacré à Paris, le 1er mai. Il fut installé fort pompeusement, le 15 mai, à Notre-Dame de Reims ; prononça le serment avec ses vicaires et publia, le 16 mai, sa première lettre pastorale [3].

Dès son arrivée à Reims, bon nombre d'ecclésiastiques fidèles s'étaient éloignés et la plupart des maisons religieuses se dérobèrent à sa visite. Le 5 juin, les curés qui avaient refusé le serment furent remplacés dans les paroisses de Reims et du district. Le 26 juin, Diot prononçait à la cathédrale un discours relatif à la fuite de Louis XVI. Le 14 juillet, il prit part à la fête de la Fédération et même à ces embrassements multipliés que Raussin appelle « une fricassée de museaux » [4]. Le 23 août 1791, « pour ne point scandaliser les fidèles et pour obéir à la loi », l'évêque supprimait les encensements du prêtre pendant les offices. Toujours par un souci visible de popularité, il accueilli la démarche des patriotes rémoises appelées « les sans-culottes » qui venaient le 2 septembre 1792 lui offrir une croix d'ébène pour s’en décorer et demander qu'il fît offrande à la patrie de la croix d'or qu'il portait. C'est le 6 octobre 1792 que Diot fit à Reims le serment de liberté. Au 8 mai 1793, on justifiait son absence des Rogations en disant qu'il visitait alors son diocèse de la Marne. Au 7 octobre 1793, il fit effort pour conserver à sa paroisse le service des vicaires dont le nombre était jugé excessif. La faiblesse la plus scandaleuse de Diot, ce fut d'assister, le 16 brumaire an II, au mariage sacrilège du vicaire épiscopal Bastien Tonus et d'oser le féliciter « d'unir en sa personne le caractère de prêtre et celui de chef de famille. »

A la Terreur, pendant la suspension du culte, Diot s'était retiré à Champigny. Il ne repartit à Reims qu’après la loi de prairial an III. À cause des difficultés soulevées par le partage de la cathédrale entre les insermentés et les assermentés, Diot et ses vicaires épiscopaux étaient en conflit retentissant et scandaleux aux fêtes de Pâques de l’an IV.

« Au matin du 14 vendémiaire an V, l'évêque Diot et ses prêtres ont fait constater par des officiers de santé si les os du premier archevêque de Reims tant remués et confondus par les terroristes étaient anciens ou non. Le concours du peuple était très considérable et le procès verbal fut fort bien fait. » [5]

Le 8 brumaire suivant, Diot tint un synode à la cathédrale. Le 2 pluviôse an VI, il remplissait à Ville-en-Tardenois les fonctions de curé ; il y a prêté le serment de fructidor, et recevait, le 23 ventôse, l'autorisation de percevoir à Ville sa pension de 800 livres.

« Le 8 thermidor an IX, le citoyen Diot évêque métropolitain du Département de la Marne, est comparu devant le Maire de Reims. A dit que quittant le domicile de la commune de Ville en Tardenois (où il s'est retiré depuis quatre ans et huit mois) il est venu le reprendre en cette Ville où il est arrivé le 15 messidor dernier et demeure rue Brûlée et désire obtenir en cette Ville les droits de citoyen aux offres qu'il fait de contribuer à ses charges. Signé DIOT, JOBERT. »

Il est juste de faire remarquer que Diot avait offert, le 1 floréal an X, de se démettre « d'une place que le bien de la religion, disait-il, lui avait seul fait accepter et qu'il lui serait doux de sacrifier pour cette même religion ». Abnégation tardive, mais méritoire.

Diot ne quitta plus Reims où la mort vint le saisir le 10 nivôse an XI. « Depuis plusieurs mois, les douleurs de la maladie, loin d'abattre son courage mâle et vraiment chrétien, l'avaient fortifié contre les horreurs de la mort » [6].

Au décès de Nicolas Diot, le projet de lui élever un monument par souscription avait circulé dans Reims et on avait même écrit à l'évêque de Meaux pour l'engager à souscrire. Or, le 4 nivôse an XII, le conseiller d'État chargé des affaires du culte écrivit à ce sujet au préfet de la Marne. Voici ses observations :

« Cet acte pourrait troubler la tranquillité publique, réveiller d'anciennes querelles et donner une nouvelle activité à des haines mal éteintes. Si le Gouvernement a interdit la publication de tout écrit relatif aux affaires religieuses, sauf approbation du Préfet, il en faut dire autant d'une inscription solennelle sur un monument, quand elle rappellerait des controverses qu'il serait dangereux de faire revivre. Les évêques non employés ont eux-mêmes la défense de porter les décorations extérieures de l'épiscopat afin de prévenir les rivalités entre les prêtres ou les fidèles de différentes opinions. Il ne faut pas que le prétexte de rendre des honneurs aux morts devienne un objet de querelle entre les vivants. Aussi le Préfet était-il invité à suspendre à Reims tout ce qui serait un germe de troubles et de discordes jusqu'à ce que le Gouvernement eût prononcé. » [7]

Après avoir fait connaître l'homme privé, il faut brièvement apprécier son administration.

Les ordinations « connues faites par l'évêque de la Marne seront rappelées plus loin.

Quelques lettres pastorales de Diot ont été conservées :

Un « Discours d’un ecclésiastique fonctionnaire public du District de Reims » dont on lui a attribué, peut-être témérairement, d'être l’auteur [8]. Il y présente la Constitution français « comme empreinte du sceau de la Divinité » ; — une lettre de remerciement aux électeurs de la Marne (19 mars 1791) ; — une lettre à Mgr de Talleyrand pour exposer les motifs qui l'ont déterminé à accepter l'épiscopat (28 mars) ; — une lettre quelque peu acerbe à l’abbé Gangan après qu’il eut refusé la charge épiscopale (22 mai) ; — une lettre d’inauguration du 16 mai 1791 ; — un discours du 26 juin de la même année au sujet de la fuite de Louis XVI ; l'évêque la nomme « une indiscrète défection ». Il en voit surgir « un essor plus rapide de la liberté ». Il célèbre l'ardeur que les gardes nationaux et les administrateurs ont dépensée pour s'opposer à la fuite du roi. — Au 2 octobre 1791, Diot a prescrit un Te Deum à cause de l'acceptation de la Constitution par le roi. Mais il y mêlait pour les insermentés de durs reproches injustes et immérités :

« Oseront-ils s'opposer, à la Constitution des lévites séducteurs ou séduits dont le fanatisme couvre de honte le corps sacerdotal et fait à la religion une plaie peut-être irréparable ? »

Le mandement du Carême du 25 janvier 1793 était consacré à recommander la pénitence du Carême. — Au 1er germinal an III, Diot a exposé à ses ouailles les bienfaits de la loi qui venait d'autoriser (page 146) cette circonstance [9]. — Deux lettres terminent cette série des instructions pastorales : un Mandement du 3 ventôse an IX qui prescrivait un Te Deum pour la paix du continent et l'indiction d'un Synode afin de préparer le Concile national (23 nivôse an IX).

Avec ces documents les Archives ont conservé un intéressant projet daté du 11 vendémiaire an V pour organiser un Presbytère, c'est-à-dire, un Conseil d'administrateurs diocésains ; ce qui nous ramène à faire connaître les coopérateurs de l'évêque de la Marne d'abord avant 1793, puis au rétablissement du culte public, le 11 vendémiaire an V.

Le nombre des vicaires épiscopaux et leurs attributions avaient été réglés par la loi du 12 juillet et 24 août 1790, articles 9 et 14 du titre 1er :

Article 9 : « Dans les villes supérieures à 10.000 âmes, il y aura 16 vicaires de l'église cathédrale ».

On sait que les cathédrales étaient érigées en paroisses dont l'évêque devenait le curé.

Article 14 : « Les vicaires des églises cathédrales, les vicaires supérieurs et vicaires directeurs du séminaire formeront ensemble le conseil habituel et permanent de l'évêque. qui ne pourra faire aucun acte de juridiction en ce qui concerne le gouvernement du diocèse et du séminaire, qu'après en avoir délibéré avec eux. »

Les vicaires épiscopaux tenaient donc la. place des anciens vicaires (page 147) généraux avec cette importante remarque qu'ils devaient être obligatoirement consultés.

Depuis l'installation du 15 mai 1791 jusqu'à la Terreur de 1793, seize vicaires épiscopaux ont partagé avec Nicolas Diot l'administration de l'évêché de la Marne et le soin de la paroisse de Notre-Dame :

 vicaires épiscopaux

François Remi Gangand et Remi Guillaume Lefils ; ils ont été étudiés avec les chanoines de Saint-Symphorien.

Antoine Bertin et F. de Torcy.

Martin Braidy, né à Murtin le 28 septembre 1753, ordonné à Noël en 1777 et gradué, avait commencé par être vicaire à Herpy. En 1790, il était directeur des Religieuses de Lanson quand il fut appelé à devenir vicaire épiscopal de la Marne, le 15 mai 1791. Après octobre 1792, on ne trouve plus sa signature dans les registres de Notre-Dame qui venaient d'être remis à la municipalité, le 22 septembre. Braidy avait été peu de temps aussi directeur au Séminaire de la Marne. Le 21 juin 1793, il quitta Reims pour se rendre à Charleville. En frimaire an VI, Braidy exerçait à Voncq les fonctions du ministère et il a fait alors le serment de fructidor. En l'an X, une pétition de Voncq demandait son changement. Il y fut pourtant maintenu en messidor an III. Il y était encore inscrit, en 1817, avec pension de 267 fr. Braidy est mort le 20 septembre 1819 [10].

Blaise Cartier était né le 5 août 1751, à Roanne (Loire). Il desservait la paroisse d'Ève, au diocèse de Paris, avant de devenir vicaire épiscopal de la Marne. Il fut installé, le 15 mai 1791, en même temps que l'évêque et après avoir prêté le serment à Notre-Dame. Cartier était affilié aux Jacobins de Reims et présida plusieurs fois leurs séances. Le 26 août 1792, il a été l'un des délégués chargés de nommer les membres de la Convention. Le 28 septembre, il faisait le serment de liberté.

Au moment où Notre-Dame fut dépouillée de son trésor, Cartier s'est plaint au Ministre de l'Intérieur « que les officiers municipaux eussent enlevé de l'église métropolitaine l'or, l'argent et les pierres précieuses, sans rien peser, ni estimer, ni inventorier ». Le Conseil de Reims, « pour toute réponse à l'odieuse calomnie du sieur Cartier », fit représenter les procès-verbaux d'enlèvement (19 octobre), de pesée (13 novembre) « à la suite des opérations nécessaires pour séparer les matières précieuses des corps étrangers avec lesquels elles étaient mêlées » et enfin le procès-verbal du 11 novembre qui constatait « que les châsses dégarnies avaient été remises au sacristain et que les pierreries détachées avaient été conservées dans une boite... » L’expédition de ces témoignages devait être faite au district, et par lui au département et au Ministère. Le 20 février 1793, le Conseil de Reims délibérait de nouveau sur cette inculpation :

« Si la pesée n'avait pas été faite, c'était en raison du long temps qu'elle aurait exigé et du soulèvement populaire qu'elle aurait déchaîné... Cette irrégularité due aux circonstances n'aurait pas dût être signalée au Ministère » [11].

Cartier répliquait « qu'il ne soupçonnait point les commissaires municipaux, mais que l'abus lui avait paru devoir être signalé pour empêcher qu'il devint général ». Cartier fit partie de la légion des volontaires de Reims en mars 1793, et devint quartier-maître du bataillon des chasseurs de Reims. À la suppression des vicaires épiscopaux, il recevait une pension de 800 livres. Il a abjuré et s'est marié le 12 vendémiaire an IV. Le 1 germinal an V, lui fut délivré un passeport pour aller prendre domicile à Paris. En 1817, Cartier résidait à Lorret-le-Bocage (Seine-et-Marne), avec pension de 267 francs comme ex-vicaire épiscopal [12].

Jean-Baptiste Mamert Chassaut, vicaire épiscopal de la Marne, n'a laissé autre souvenir de son passage à Reims que la prestation de serment du 28 août 1791.

Philibert Duval était religieux prémontré. Depuis 1783, il avait succédé comme curé de Wagnon à l'un de ses frères en religion nommé Nicolas Jouette. Il a été tiré de sa paroisse pour devenir vicaire épiscopal de la Marne et il a fait serment en cette qualité à Notre-Dame de Reims, le 28 août 1791. Duval exerçait les mêmes fonctions en 1792 et disparut à la Terreur [13].

Henri Engrand avait appartenu au couvent des Bénédictins de Saint-Nicaise. Né à la Ferté-Milon le 12 décembre 1753, il avait fait profession à Saint-Denis le 12 décembre 177I. Après avoir enseigné rhétorique au couvent de Laon, il était venu à Reims professer la philosophie et la théologie. Il déclara que son intention était de quitter la vie commune et une pension de 900 livres lui fut assignée sur les biens de Saint-Nicaise [14].

Choisi par Diot comme vicaire épiscopal, Engrand a fait le serment à Notre-Dame le 15 mai 1791. Il a prêté aussi celui de 1792, le 15 septembre. Depuis l'an II, il avait abandonné toute fonction ecclésiastique. Il consacrait ses soins particuliers à former la bibliothèque de la ville de Reims. Ainsi, au 5 messidor an III, le Conseil ordonne de rembourser 1.665 livres à Engrand qui est allé à Paris au sujet de l'établissement à Reims d'une école centrale et de la bibliothèque à l'évêché. Sa pension en l'an IV était de 800 livres. Il n'a pas fait de déclaration pour reprendre le culte. Le serment de fructidor est du 29 nivôse an VII ; Engrand habitait alors rue de l'Université ; il a fait acte de soumission en l'an VIII. Le 21 pluviôse an XII, Engrand était nommé bibliothécaire de la Ville de Reims avec Bergeat pour adjoint. Il a donne sa démission en 1805. Ses loisirs furent employés à l'établissement d'un pensionnat de demoiselles. Engrand est mort à Reims, rue du Bourg Saint-Denis, 27, le 10 octobre 1823, à 70 ans. Il est enterré au cimetière du Nord [15].

Jacques David Guillot, né à Saint-André de Verdun le 13 décembre 1744, a été ordonné prêtre à Reims, en 1769, comme religieux chartreux au couvent du Mont-Dieu où il avait fait profession le 17 novembre 1763. Guillot fut appelé à devenir vicaire épiscopal de la Marne et fit le serment constitutionnel à l'installation de l'évêque, le 15 mai 1791. Il a prêté encore le serment de 1792, le 1er octobre ; ses fonctions furent poursuivies à Notre-Dame jusqu'à la Terreur. Il continua de séjourner à Reims où lui était versée sa pension de 800 livres. Au 15 vendémiaire an V, Guillot résidait rue de la Poissonnerie, 10 ; il a déclaré vouloir exercer à la cathédrale les fonctions du culte. Il s'est soumis à la loi de l'an V, le 27 fructidor, et à celle de l'an VIII, le 9 pluviôse. Guillot faisait partie du Presbytère épiscopal créé en l'an V.

Avant de devenir vicaire épiscopal de la Marne, Jacques Nicolas Louvard avait été curé de Chesne, au diocèse de Chartres. Il a prêté le serment constitutionnel à Reims, le 31 juillet 1791, et n'a quitté cette ville qu'à la suppression de sa charge, le 30 juillet 1793 [16].

Ghislain Joseph Marmouzet, né à Biache (Nord) le 8 décembre 1737, avait fait profession chez les religieux capucins de Reims, le 17 avril 1757. Il était devenu le père gardien de son couvent sous nom de Père Charles de Doncy. Il a déclaré en 1791 qu'il sortirait de la vie commune. Le 10 juillet 179I, il fut employé à Saint-Pierre de Reims comme vicaire constitutionnel et, avant la messe de paroisse, il en prononça le serment. Au mois d'août 1792, il l'a renouvelé en qualité de vicaire épiscopal de la Marne.

Aussitôt après la réaction de thermidor, Marmouzet a rempli les fonctions du ministère à Rosnay. Il était, au 11 vendémiaire an V, membre du Presbytère épiscopal. Toutefois à l'enquête de nivôse an VI, on a constaté que le serment imposé par la loi de 1792 à tous les ecclésiastiques pensionnaires n'avait pas été inscrit et que la déclaration prescrite pour exercer le culte était absente. Marmouzet, bien qu' « étant très valétudinaire », poursuivit à Rosnay les fonctions de « ci devant curé ». Il y a prêté le serment de fructidor, le 29 fructidor an VI. Le 29 messidor an XI, l'évêque de Meaux l'a maintenu dans la paroisse de Rosnay. Marmouzet est mort à Reims, rue de la Buchette, le 3 mars 1811, à 73 ans.

François Oudinot, né à Saint-Pierre de Moulins, diocèse de Soissons, le 6 avril 1742, a été ordonné à Reims en 1767. Il était pourvu de ses grades. Depuis 1768, il était. professeur de quatrième Collège de Reims et chapelain de Notre-Dame depuis le 22 mars 1788, lorsqu'il fut appelé à devenir vicaire épiscopal de l’évêque de la Marne auprès duquel ses fonctions furent celles de secrétaire. Oudinot avait fait le serment constitutionnel, le 15 mai 1791, et parait avoir gardé son titre jusqu'à la Terreur. En 1817, sa résidence était à Paris où lui était assignée une pension de 333 francs comme ancien vicaire.

Nicolas Servant, né à Fismes le 11 février 1742, avait été ordonné à la Trinité en 1766. Après avoir été auxiliaire du curé de Courlandon et vicaire à Autrecourt un an et demi, il était revenu au Temple de Reims pour se préparer aux grades théologiques. Il obtint le litre de docteur en 1772. En avril 1773, Servant avait été nommé curé de Nanteuil-la-Fosse où le trouva la Révolution. Il avait acquis une certaine notoriété, d'abord à cause d'une requête adressée au Roi pour demander que le clergé des campagnes fût représenté aux États généraux par de simples curés ; puis par l'adhésion qu'il donnait aux projets de l'Assemblée nationale relatifs à la Constitution civile du clergé ; il s'en était fait l'apôtre dans divers opuscules dont le but est de montrer qu'il n'y a pas d'opposition essentielle entre la foi catholique et le projet d'imposer aux prêtres un serment de fidélité à la Constitution [17].

Choisi pour vicaire épiscopal de la Marne au retour de Nicolas Diot qu'il avait accompagné depuis Paris jusqu'à Reims, Servant fit le serment constitutionnel à Notre-Dame, le 15 mai 1791. Il s'est occupé très activement de la paroisse jusqu'à la Terreur. Il avait fait le serment de liberté, le 1er octobre 1792. Pendant l'interdiction du culte à Notre-Dame, il avait ouvert chez lui un oratoire dans la Cour du Chapitre, n° 8 : la Société populaire le fit fermer malgré les énergiques réclamations de Servant que sa fermeté fit emprisonner pendant plusieurs mois. À sa libération, Servant ouvrait de nouveau son oratoire, le 14 germinal an III. Il a fait sa déclaration pour le culte, le 18 vendémiaire an IV, et reprit à Notre-Dame les exercices publics que célébraient, non sans troubles, les prêtres insermentés et assermentés à des heures différentes et avec leurs partisans rivaux. Servant fut appelé de nouveau à la charge de conseiller diocésain en l'an V. Le 15 novembre 1796, Servant, Antoine Bertin et Nicolas Dumont avaient jeté les premières bases d'un projet de soumission du clergé assermenté à l'autorité de Mgr de Talleyrand ; mais il ne put aboutir. Après avoir pris part au Concile national de 1801, Servant s'est soumis à l'autorité de Mgr de Meaux. Il a prêté le serment de fidélité au Concordat, le 27 floréal an XI, au titre de vicaire de Notre-Dame de Reims. Le 29 septembre 1805, il est mort subitement à Nanteuil-la-Fosse, son ancienne paroisse, et il y a reçu la sépulture.

François Humain Soleau, chanoine régulier, était prieur-curé d’0ger lorsqu'il a été nommé vicaire épiscopal de la Marne. Bien qu'il eût fait dans sa paroisse le serment constitutionnel le 16 janvier .1791, Soleau l'a renouvelé à Notre- Dame de Reims le 15 mai, avec l'évêque et avec ses collègues. À l'abolition du culte, il voyageait dans les pays vignobles comme négociant et il est inscrit parmi ceux qui s'étaient mariés [18].

Jean-François Sommé, né à Sévigny-la-Forêt le 27 décembre 1757, a été ordonné le 21 décembre 1782. Sa première destination fut d'être vicaire de Verzy, de 1783 à 1786. Il habita ensuite Paris comme précepteur chargé d'une éducation particulière jusqu'en 1791.

Choisi pour vicaire épiscopal de la Marne, Sommé a fait serment à Notre-Dame, le 15 mai 1791. Le 22 février 1792, il avait demandé à être reçu membre du club des .Jacobins de Reims. Il fit partie de la levée de février 1793 et tomba au sort en mars suivant. Au 15 septembre 1793 lui fut délivré un passeport pour Sévigny. En l’an III, Sommé résidait à Verzy, ayant donné le scandale d'un mariage. Veuf en 1796, il s'était marié de nouveau en 1806. Or, touché de remords, le malheureux réclamait alors de l'Église le pardon de ses fautes. Malgré ses instances et celles de son frère, le cardinal-légat dut leur imposer un refus, « le second mariage étant postérieur au 15 août 1801 ». Enfin en 1835 fut tentée une nouvelle instance : le coupable était fort vieux, infirme, misérable, avec trois enfants à sa charge. Le pardon de l'Église lui fut accordé. En 1817 c’est à Châlons-sur-Marne que Sommé recevait une pension de 267 francs comme ex-vicaire épiscopal[19].

Antoine Joseph Bastien est plus connu sous le nom de Bastien Tonus. Bien qu'il soit inscrit comme ayant pris naissance à Treslon, paroisse du diocèse de Cambrai, le nom porté sur les registres de l’état civil est celui d'0hain (Nord). Il a été ordonné à Reims le 18 décembre 1779. Bastien avait été reçu docteur en théologie en 1784, et professa le cours de philosophie au Collège de Reims jusqu'en avril 1786. À cette date, 7 avril, il a été installé curé de Thugny, où il succédait à Pierre Martin Defer. Après hésitation, il se détermina comme curé à prêter le serment de 1790. Diot l'avait choisi pour vicaire épiscopal en 1792 ; aussi a-t-il renouvelé le serment en cette qualité, le 17 mai 1792, jour de l’Ascension, dans la chaire de Notre-Dame.

Bastien avait fondé, en mars 1793, avec Vitu, curé constitutionnel de Saint-Pierre de Reims, un journal appelé le Manuel du Citoyen. Un y trouve les curieux détails suivants :

« En visitant des parents qui habitaient à Neufehâtel-sur-Aisne, Bastien avait assisté à un salut de Carême. Après le chant des psaumes, le curé de la paroisse a lu l'adresse d’Isnard sur le recrutement… Ensuite une voix a chanté l'hymne des Marseillais dont le refrain était répété par 300 personnes [20].

On sait que le 16 brumaire an II fui célébré à la cathédrale son scandaleux mariage dont l'évêque osa le féliciter. Le 20 brumaire, Bastien était reçu membre des Jacobins de Reims et déclarait en prononçant son serment « n'être plus ni théologien ni prêtre ». Il est allé, le 25 brumaire, se vanter à la barre de la Convention de ce défi à l'opinion dont son union sacrilège était la preuve :

« Malgré tous les préjugés de l'aristocratie et du fanatisme, il a épousé une sans-culotte. Fidèle adorateur de la patrie et de la nature, il répudie l'absurde prérogative de docteur en théologie. »

Le 19 nivôse an II, son journal annonçait que Bastien « ancien professeur en la ci-devant Université de Reims, ouvrait une école nationale, place Saint-Pierre-les-Dames, n° 1 ». Le 23 pluviôse an II, il présentait un fils à la société des Jacobins. Il leur proposait, le 19 ventôse suivant, de brûler avec un livre d'armoiries dix volumes de théologie, « restes gothiques de l'ancienne école où la déraison dictait ses lois et enseignait ses chimères [21] ». Bastien se soumit à la Constitution de l'an VIII. Sa pension fut liquidée à 800 francs le 25 prairial an III.

Antoine Bizet n'est connu que par le serment qu'il a prêté à Notre-Dame de Reims, le 1er janvier 1792, avec Robert François Bichat et Nicolas Thibault, comme vicaire épiscopal et directeur du petit Séminaire de la Marne. Au 28 juillet .1793, il avait demandé à faire partie de la Société populaire de Reims :

« Heureux si, par ses faibles lumières, il pouvait contribuer à dissiper les nuages que les ennemis de la chose publique cherchent à répandre sur notre sage et sublime Constitution. »

Dans une lettre du 29 messidor an II, Bizet, ex-vicaire épiscopal, exposait ses sentiments au Conseil de Reims :

« Il désirait se rendre utile à la patrie et sortir de la classe des gens oisifs qui consument à ne rien faire une pension qu'ils ont gagnée en ne faisant rien. Étant dans un besoin urgent de pourvoir à son existence, pauvre du côté de sa famille, ayant été fait prêtre sous les auspices de la nation et ayant abdiqué lorsqu'elle a paru le vouloir, il demandait à être employé aux travaux dont pouvait disposer la municipalité rémoise. »

La requête ne fut pas admise. Cependant, au 19 frimaire an IV, le nom de Bizet était encore sur la liste des pensionnaires de Reims. Il recevait 800 francs [22].

Tels ont été, jusqu'à 1793 seulement, les coopérateurs de l'évêque de la Marne à Notre-Dame et dans le gouvernement du diocèse. On atteignit l'an V sans aucune organisation connue.

Le 11 vendémiaire an V fut institué, sous le nom de Presbytère, un nouveau Conseil pour concourir avec l'évêque Diot à l'administration du diocèse. Les anciens vicaires épiscopaux Lefils, Servant, Guillot, Marmouzet, François Remi Gangand, Antoine Bertin et de Torcy furent appelés de nouveau à faire partie du Presbytère de l'an V. On leur adjoignit cinq membres du clergé paroissial proprement dit : Sereine, curé de Saint-Rémi ; Courtin, curé de Saint-André ; Lagrange [23], curé de Trépail qui desservait provisoirement Montbré ; Masson, curé de Beine, et Malot, curé de Cormontreuil. L'abbé Menonville, desservant de Saint-Jacques, remplissait dans ce Presbytère épiscopal les fonctions de secrétaire. L’installation en avait été fixée au 4 octobre 1796 ou 13 vendémiaire an V. Une réunion hebdomadaire devait avoir lieu tous les mardis au domicile de Servant, cour Chapitre.

Telle a été jusqu'au Concordat la nouvelle administration diocésaine du clergé constitutionnel à Reims. Les nouveaux membres de ce Conseil auront leur notice à leur emploi particulier.»

Nicolas Diot décéda à Reims le 1er janvier 1803 et fut inhumé dans la vieille nécropole rémoise : le cimetière du Nord. Malheureusement l'emplacement de sa sépulture, comme si un voile devait se tirer sur ce personnage contesté et particulier, reste pour le moment inconnu, malgré les recherches effectuées pour le retrouver.


[1] Charles Louis Joseph Destables, né à Reims, le 3 janvier 1728, décédé à Auxerre, le 29 novembre 1788.

[2] BABLOT, dans le journal l'0bservateur, aurait désiré dans la lettre de Diot « moins de flagornerie » et il suppose que « l'évêque de la Marne n'a épuisé sa navette d'encens que pour tourner la tête à l'orgueilleux Périgord ». 0bservateur, p. 550.

[3] Archives Municipales de Reims : liasse spéciale et CR, 381.

[4] RAUSSIN : CR : 2124, 9. 1004.

[5] Journal d’Hédoin.

[6] Éloge historique de Diot par P. Desmarest, desservant de Gemigny.

[7] Archives Municipales de Reims: lettre spéciale.

[8] Au 16 janvier 1791, date de la lettre, Diot était curé de Vendresse (Ardennes) depuis septembre 1788. Dans ces conditions il est difficile de reconnaître « un fonctionnaire public du district de Reims » : SERVANT, curé de Nanteuil-la-Fosse, répondrait mieux à cette désignation.

[9] Voir Histoire de Saint-Jacques à la Révolution, p. 123.

Dans la série CR. de la Bibliothèque de Reims, on remarque surtout une Réponse au défi du sieur Diot, inscrite sous la cote 381, 9, et dans laquelle est commentée, mot pour mot, de façon cruelle la salutation usuelle : Diot, « par la miséricorde divine » — non, par la grâce des électeurs — « dans la communion du Saint-Siège » — le pape se refuse à reconnaître l'évêque de la Marne — « évêque » —. Nullement : Diot est sans mission, sur un siège usurpé ; ses électeurs étaient incompétents — la Constitution sur laquelle il s'appuie était condamnée par le pape, par 132 évêques de France et par la Faculté de théologie de Paris sans oublier les prêtres qui ont refusé ou rétracté le serment et les fidèles qui n'acceptent pas le ministère des intrus. Et l'impitoyable contradicteur établit que Diot est hérétique, schismatique, en opposition avec la Constitution civile comme avec lui-même, intrus, etc., etc. Ses adhérents sont pareillement fustigés : on lui dit « que les fonctionnaires ecclésiastiques » auxquels est adressée sa lettre, ne sont plus « des vénérables coopérateurs », mais « des moines défroqués et libertins, des prêtres tarés, rebut et honte de l'Église ».

[10] Archives des Ardennes.

[11] Archives Municipales de Reims : 1er décembre 1792 et 20 février 1793.

[12] Voir : notes du Dr Pot Gosset

[13] Registre paroissiaux de Notre-Dame.

[14] Registre des déclarations – AR.

[15] Notes Menu — Académie de Reims, tome XCII, p. 386.

[16] Passeport 2400.

[17] Voir pour les détails au tome CXXVI des Travaux de l'Académie une notice sur Nicolas Servant par l'abbé BOUCHEZ.

[18] Passeports 530, 2969, 3619.

[19] AN : AFIV 1898 et 1910 et notes particulières

[20] Manuel du Citoyen, p. 30.

[21] Manuel du Citoyen, p. 679.

[22] Soc. Pop. FF 59, cité par le Dr Pol Gosset.

[23] Le nom exacte est DELAGRANGE.

Pour toute demande de renseignements, pour tout témoignage ou toute suggestion,
veuillez adresser vos courriers à
 :